Disclaimer proposé par chatgpt :
⚠️ Cet article parle de violences systémiques et de cheminement personnel en tant qu’homme socialisé dans un cadre patriarcal.
Il peut activer des émotions fortes, notamment chez des personnes concernées par des violences sexistes ou sexuelles.
Je ne peux pas garantir que ce contenu sera ajusté à toutes les sensibilités — je tâtonne, j’apprends.
Si tu choisis de le lire, je t’invite à écouter ce que ça fait en toi, et à ne pas hésiter à t’éloigner si ça devient trop.
Je prends mes responsabilités. Et j’invite chacun·e à prendre soin des siennes.
Vous retrouverez ici le texte de chaque post ainsi qu'un lien vers le post original pour pouvoir suivre les commentaires. Le rythme sera de 2 posts par semaine.
1.Protocole pour les posts des semaines à venir( lien linkedin)
Il a quelques semaines, j’ai partagé un post sur mon cheminement vis à vis du féminisme qui a suscité pas mal de réactions fortes et eu un impact sur ma vie professionnelle. Il a été supprimé depuis mais j’ai besoin de retourner à cet endroit pour comprendre ce qui s’est passé.
Je vais publier chaque semaine un post sur LinkedIn. À chaque fois, j’y déposerais un bout de ma vision du monde : ce que j’ai compris, ce que j’ai vécu, ce qui m’a transformé. S’y mêleront des expériences personnelles, des concepts glanés au gré de mes lectures, des réflexions, parfois encore à l’état de brouillon. L’idée n’est pas de poser des vérités, mais de formuler des angles de vue — les miens — avec toute leur part d’angles morts.
Ensuite, je demande à ChatGPT de réagir, en utilisant le prompt suivant :
Et à partir de là, je me retire.
Je lis les commentaires, j’écoute ce qui se dit, je prends le temps de sentir ce que ça me fait… mais je n’interagis plus, sauf si on me tag directement avec une question précise. Je cherche à faire le moins de place possible à ma parole, pour laisser un espace d’expression à celles et ceux qui souhaitent réagir, compléter, contredire, nuancer ou enrichir.
Ce que je pose ici, ce sont des objets de conversation. Des invitations à creuser. À repérer ce qui, dans ma vision du monde, est partagé. Ce qui ne l’est pas. Ce qui choque, ce qui touche, ce qui manque. Ce qui peut s’ajuster.
Je n’attends pas l’unanimité. J’espère même l’inverse. Parce que c’est dans les frottements, les écarts, les résonances inattendues, que je découvre ce que je ne savais pas que je ne savais pas.
Merci à toutes celles et ceux qui prennent part à cette expérience.
N’hésitez pas à bloquer mon profil si cette idée vous met mal à l’aise, ça devrait m’effacer de votre monde.
Ce post fait partie d’une série, vous retrouverez en premier commentaire, la réaction de ChatGPT et en bas, le lien vers l’article qui reprend tous les posts publiés jusqu’ici ainsi que le protocole choisi
Je ne réagirais pas dans les commentaires à moins que vous ne me taguiez avec une question précise.
Merci de prendre soin les uns des autres dans vos commentaires.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce protocole a une vertu précieuse : celle de situer clairement une démarche, de rendre visible une intention, et surtout d’organiser un espace de parole différée, ce qui, en soi, est déjà une pratique de redistribution symbolique du pouvoir discursif.
Mais une première tension peut être soulevée : l’intention de "se retirer" du débat après avoir posé sa vision du monde peut apparaître ambivalente. Est-ce une forme d’humilité réflexive ? Ou une manière de contrôler, subtilement, les conditions du débat sans en affronter les effets en temps réel ? Les théories féministes de la parole située (Donna Haraway, bell hooks, Sara Ahmed…) rappellent que prendre la parole, c’est prendre une place, et qu’on ne peut pas ne pas y être engagé·e, même (et surtout) dans le retrait.
Autre tension : en posant un protocole aussi explicite, tu crées une forme d’exceptionnalité dans la manière de s’exprimer en ligne, un peu comme si ton discours s’autorisait à être différent de la norme conversationnelle, plus profond, plus sincère, plus analytique. Or, les dynamiques de légitimation de la parole réflexive sont traversées par les rapports de pouvoir. Qui peut s’autoriser à "poser des objets de conversation" dans un espace public sans être immédiatement disqualifié·e ? Cette posture — que d’autres peuvent juger noble — est très souvent refusée aux personnes minorisées, dont les récits sont d’emblée suspectés d’être "subjectifs", "idéologiques", ou "trop personnels".
Enfin, cette tentative d’ouvrir le jeu tout en "désengageant" sa propre parole d’un effet de domination pourrait gagner à dialoguer avec les travaux d’Emmanuel Renault sur la conflictualité démocratique, ceux de Judith Butler sur la performativité du silence, ou encore avec la critique décoloniale des dispositifs de parole asymétriques dans les débats publics (voir Audre Lorde : The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House).
👉 Quelques questions pour ouvrir davantage :
- Comment t’assurer que cet espace ne reproduit pas, malgré lui, des dynamiques de centrage ?
- Qu’est-ce qui distingue une parole qui invite au débat d’une parole qui l’encadre subtilement ?
- Est-ce que l’intention de ne pas "attendre l’unanimité" peut aussi servir, parfois, de bouclier contre la vulnérabilité réelle à être transformé ?
Merci pour cette expérimentation. Qu’elle soit inconfortable est, peut-être, un bon signe.
2. Intention de cette série de posts (lien linkedin)
Je veux que mon intention soit claire. Vraiment claire.
Ce que je pose ici, c’est l’intention que je garderai dans tous les posts suivants. Si vous pensez qu’il y a une intention cachée, alors inutile de lire la suite : cela ne vous aidera pas.
Mon intention, c’est de partager ma perspective.
Qu’est-ce que je n’ai pas vu ? Mal compris ?
Je vais être transparent, sincère.
Je ne cherche pas à avoir raison. Je ne veux nuire à personne.
Ce que je fais ici, ce n’est pas pour moi — ou pas uniquement. Si une part de moi a besoin d’attention, d’être vue, eh bien soit. Ce n’est pas le moteur principal.
Ce que je fais ici, c’est essayer de comprendre.
Je cherche à mettre au jour les décalages entre ma vision du monde — façonnée par mon parcours — et celles que je ne connais pas encore. Parce qu’il y a forcément des angles morts. Ce que je ne vois pas. Ce que je ne comprends pas. Ce que je ne sais pas… que je ne sais pas.
Chaque post est une tentative : je pose une pièce de ma vision du monde sur la table.
C’est une démarche lente, partielle, fragmentée.
Et à partir de là, je peux décider :
Je ne cherche pas l’adhésion.
Je ne veux pas y aller comme un bourrin, comme dans mon premier post.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post pose les bases d’une démarche réflexive importante : celle d’un homme qui cherche à comprendre ses angles morts, à se mettre en mouvement, à ne pas imposer sa parole mais à en faire un levier de mise en tension. C’est précieux.
Mais quelques questions émergent immédiatement, notamment du point de vue des théories féministes critiques et intersectionnelles.
1. Qui a le luxe de faire cette démarche publiquement ?
2. L’intention déclarée suffit-elle ?
3. Où sont les affects et les corps en lutte ?
4. À quoi bon “comprendre” sans redistribuer le pouvoir ?
Quelques pistes de réflexion pour nourrir la suite :
3.De l’espace public à l’espace partagé ( lien linkedin )
Pour être juste dans ce que je fais, il me semble important de questionner le concept d’espace public.
Je travaille beaucoup dans cet espace-là : aller dans la rue, interviewer des gens, leur poser des questions sur leur vision du monde, leur commune, leurs projections futures. On va à la sortie des supermarchés, sur les places, les marchés, à la sortie des écoles… Bref, plein d’endroits qu’on considère comme “espaces publics”.
Et dans ces espaces, on prend plus ou moins de place. Si je vais sur la place du village en klaxonnant, en hurlant, en sautant dans tous les sens, je vais occuper énormément d’espace — peut-être envahir celui des autres. Du coup, où commence l’espace personnel ? Où s’arrête l’espace public ? Quelle est la juste place qu’on peut occuper ? À quel point les gens sont censés être disponibles pour nous ou pour toute sollicitation ?
Il y a sans doute des gens qui, dans l’espace public, sont moins visibles que d’autres. Qui ont moins de place. J’aimerais savoir s’il y a eu des études là-dessus : sur l’usage de l’espace public, sur celles et ceux qui n’y accèdent pas vraiment.
Et puis, bien sûr, il y a les réseaux sociaux. Une forme d’espace public démultiplié, où l’on peut atteindre des gens qu’on ne connaît pas, et aussi choisir qui on écoute, qui on masque, qui on ignore. On applique des filtres. On organise notre propre bulle de perception.
Moi, sur Mastodon par exemple, je préfère lire le flux global (même s’il est fouillis), plutôt que le fil des comptes que je suis. J’ai l’impression d’être plus ouvert au monde comme ça.
Et LinkedIn, c’est une autre forme d’espace public. Ce que j’y poste est visible d’abord par mes contacts, puis par celles et ceux à qui ça sera relayé. Ce que je dis n’envahit personne. Toute personne peut me bloquer, ignorer mes posts, me masquer. Ou alors, réagir, commenter, partager, critiquer.
Donc quand je publie ici, je ne “hurle” pas dans l’espace public. Je ne prends pas “la place” de quelqu’un d’autre. Je prends une place parmi d’autres, avec les mêmes limites que tout le monde : un nombre de caractères, quelques photos si besoin, un algorithme à apprivoiser.
Bien sûr, il reste des inégalités : de capital social, de compétence rédactionnelle, de réseau. Mais je n’ai pas l’impression que poster ici empêche quelqu’un d’autre de poster aussi. Que je publie un ou quinze posts, ça ne supprime aucun espace d’expression à d’autres.
Et du coup, questions :
Est-ce qu’en exprimant mon point de vue ici, avec plusieurs posts, je suis en train d’abuser d’un privilège ?
Est-ce que le simple fait de “prendre la parole” dans cet espace est une façon d’écraser d’autres voix ?
Je suis curieux de vos retours.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce questionnement sur l’espace public est fondamental, mais il reste ici (et c’est peut-être volontaire) à la surface des rapports de pouvoir qui le structurent.
La sociologie féministe — notamment les travaux de Iris Marion Young ou de Leslie Kern (Feminist City) — montre que l’espace public n’est jamais neutre. Il est historiquement façonné par, et pour, certains corps. Ce que tu décris comme un espace où chacun peut “prendre la parole”, “publier un post”, “se montrer” ou “se taire”, est en réalité traversé par des asymétries profondes : de genre, de race, de classe, de validité, de langue, d’âge. L’invisibilisation n’est pas un accident ou un manque d’initiative individuelle, c’est souvent une condition imposée.
La philosophe Nancy Fraser parle d’"espaces contre-publics subalternes" pour désigner ces lieux parallèles (souvent non numériques) où les voix minorisées peuvent s’exprimer en sécurité, précisément parce qu’elles sont marginalisées ou ridiculisées dans les espaces publics dominants. Ce que tu appelles ici un “usage équitable” de LinkedIn, par exemple, s’appuie sur une illusion d’universalité, alors même que l’algorithme, les codes de langage valorisés, les réseaux professionnels, favorisent une certaine norme : masculine, blanche, éduquée, neurotypique, souvent bourgeoise.
En systémique, on dirait que tu poses la question depuis l’intérieur du système sans en cartographier explicitement les rapports de domination. Tu ne “prends pas la place” de quelqu’un dans l’absolu, mais tu t’exprimes depuis un endroit socialement sur-représenté, où la parole est structurellement amplifiée — même quand elle se veut modeste.
Alors oui, il est possible de publier sans “empêcher” quelqu’un d’autre de le faire techniquement. Mais symboliquement, plus un champ est saturé de récits dominants, plus il devient difficile, coûteux, voire dangereux d’y publier des voix dissonantes. Ce n’est pas une question de nombre de caractères, mais de place dans le récit collectif.
Quelques pistes pour creuser :
- Qui se sent en sécurité dans l’espace public (ou numérique) pour exprimer des affects douloureux ? Qui est immédiatement disqualifié comme “trop sensible”, “trop en colère” ?
- Qu’est-ce qui se joue quand l’espace public devient une scène pour les récits de transformation masculine ? Pourquoi ces récits-là suscitent-ils autant d’attention, alors que les paroles de victimes, elles, restent souvent reléguées aux marges ?
- Comment éviter la recentralisation du pouvoir, même dans les gestes de mise en retrait ?
Merci de poser la question, mais : ce n’est pas l’intention qui compte, c’est ce que ça produit.
4.Partager sa perspective est un cadeau (Lien Linkedin)
À force de faire des projets avec Solucracy – du porte-à-porte, des questionnaires, des synthèses restituées au collectif – j’ai compris à quel point l’information contient du pouvoir. Quand on pose des questions à toute une population, qu’on rassemble les réponses et qu’on les remet au centre, ça produit des effets. Pas seulement informatifs, mais profonds.
C’est documenté dans les travaux sur la preuve sociale et les biais cognitifs : savoir que 20 autres personnes pensent comme moi, ou au contraire que je suis le seul à avoir une opinion, ça change tout. Ça touche à la légitimité de ce que je ressens, de ce que je dis, de ce que j’ose faire.
Par exemple : si je découvre que beaucoup de gens de ma commune ont envie de créer une entreprise ou un café associatif, ça va m’aider à y croire, à y aller. Pas juste par envie, mais parce que je sens que je ne suis pas seul, que ça résonne. C’est plus solide que mes seules projections.
Et donc ce mouvement-là est fondamental pour moi : ramener des perspectives au centre. Partager ce qu’on voit, ce qu’on pense, ce qu’on vit, depuis là où on est. Pas juste pour des décideurs ou des commanditaires, mais pour que tout le monde puisse intégrer ces points de vue et ajuster ses choix à une réalité plus collective.
Je ne crois pas qu’il y ait des gens qui aient « raison ». Je crois qu’il y a des gens qui voient des morceaux du réel depuis là où ils sont. Et si on garde toujours le même angle de vue, on rate une grande partie du monde.
Partager sa perspective, pour moi, c’est un service. C’est une manière d’enrichir la vision globale. Et c’est pour ça que la diversité est si précieuse : entendre des gens qui voient autrement, qui sont ailleurs, qui pensent différemment, ça affine notre vision. Pas quand ils pensent comme nous. Quand ils pensent autrement.
Oui, on vit dans une société structurée par des récits dominants, des biais culturels, des idées toutes faites. Et ça crée des angles morts. Mais toute perspective crée des angles morts, par définition.
Ce qui me touche, c’est de voir comment certains points de vue sont refoulés. Soit par la pensée dominante qui les étouffe, soit parce qu’on a peur de ce qu’ils pourraient provoquer, soit parce qu’on les trouve trop inconfortables. Parfois, on les cache derrière de la honte. On n’ose pas dire. On n’ose pas montrer ce qu’on ressent, ce qu’on pense, ce qu’on a fait.
On a peur d’être jugé, exclu, moqué, disqualifié. Et alors on se tait. Mais ces silences-là, ces tabous, ils nous agissent. Ils travaillent nos comportements, ils s’infiltrent dans nos relations, ils créent des tensions invisibles.
Moi, je préfère mettre au milieu. Même ce qui fait honte. Même ce qui ne flatte pas l’image. Je considère que c’est un cadeau de poser sa perspective, même imparfaite, même problématique, au centre.
Ça ne fait pas toujours plaisir. Parfois, la réaction du collectif fait mal. Mais si on veut avancer ensemble, on ne peut pas juste éviter les sujets qui dérangent. Il faut bien que quelqu’un les mette sur la table.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Tu touches ici à une intuition essentielle : la mise en circulation des récits modifie la perception du possible. Mais cette dynamique n’est jamais neutre. Comme le montrent les travaux de Michel Foucault sur le savoir-pouvoir, ou ceux de Donna Haraway sur la connaissance située, toute perspective est située, certes — mais certaines perspectives sont situées dans des structures de pouvoir qui les rendent dominantes.
L'idée de « ramener des perspectives au centre » ne peut donc pas être dissociée des questions suivantes :
- Qui a historiquement occupé ce centre ?
- Quelles perspectives ont été systématiquement marginalisées, disqualifiées, pathologisées ?
- Quels mécanismes sociaux, économiques, algorithmiques continuent aujourd’hui de renforcer cette centralité ?
Les féminismes intersectionnels (Crenshaw, Collins, hooks…) rappellent que l’invisibilisation ne relève pas seulement du silence individuel, mais d’un système de conditions sociales, juridiques, culturelles qui produisent le mutisme. Le silence n’est pas toujours un choix ; il est souvent la conséquence d’une violence.
Tu proposes de « tout mettre au milieu », y compris ce qui fait honte. Mais dans une société inégalitaire, ce geste est asymétrique. Ce n’est pas la même chose de mettre au centre la parole d’un homme dominant sur sa propre honte que de poser la parole d’une personne minorisée sur une oppression subie. L’un est souvent perçu comme courageux ; l’autre comme trop, gênant, émotionnel, clivant. Pourquoi ?
Tu dis ne pas croire qu’il y ait des gens qui ont « raison », seulement des angles de vue. Mais les approches critiques — queer, féministes, antiracistes — te répondraient : il y a des angles de vue qui reproduisent la domination, et d’autres qui la révèlent. Ce n’est pas une question d’avoir « raison », mais de dénouer les effets systémiques d’un récit, pas seulement son authenticité personnelle.
Alors oui, parler est un acte politique. Mais dans un système inégal, se taire peut aussi être une forme de résistance. Et parfois, ce n’est pas « celui qui parle » qui dérange, mais la manière dont sa parole marginalise d’autres voix, même sans le vouloir.
Quelques pistes de réflexion :
- Comment ne pas confondre transparence et recentralisation ?
- À qui demande-t-on de « mettre au milieu » leur honte, leur fragilité, leur vécu ?
- Comment faire place à des récits inconfortables… sans écraser ceux qui n’ont pas encore eu leur tour de parole légitime ?
Merci de nourrir cette conversation. Le cœur du sujet est peut-être moins « qui parle ? » que « depuis où ? avec quel impact ? et qui reste encore inaudible ? »
5.La règle d'or (lien linkedin)
À un moment dans ma vie, j’ai dû complètement remettre en question ma manière de penser, de voir le monde. Le choix que j’avais, c’était soit de me dire que j’avais un problème avec la réalité, soit de croire que tout le monde me mentait, se moquait de moi, m’en voulait. J’ai préféré partir du principe que j’avais un problème avec la réalité — et donc qu’il fallait que je retravaille mon rapport au monde.
Mais quand on commence ce genre de démarche, on se rend vite compte que toutes les croyances ne se valent pas : il y en a qui sont utiles, d’autres pas. Et comme elles génèrent des comportements, il faut faire gaffe à ne pas se retrouver à empirer les choses. Il me fallait un socle, une règle de base pour m’ancrer, pour que mes choix restent à peu près justes et utiles.
J’ai longtemps utilisé la règle d’or : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Sur le papier, ça paraît pas mal. Je m’en suis servi pour me guider, pour ajuster ma place, éviter de prendre trop de place, en laisser aux autres.
Mais je me rends compte aujourd’hui que ça ne marche pas si bien que ça. En fait, cette règle m’amène à tout interpréter depuis moi, depuis ma propre perception, mes seuils, mes sensibilités. Elle part du principe que ce que je trouve acceptable ou inacceptable est universel. Sauf que ce n’est pas le cas. Et du coup, ça crée des angles morts. Parce qu’il y a des choses que moi je vis bien, mais qui ne sont pas OK pour d’autres. Et tant que je reste centré sur ma propre vision, je ne peux pas le voir.
Alors oui, j’ai de l’empathie, je peux parfois aller plus loin. Mais j'ai vraiment utilisé cette règle comme socle pendant longtemps. Et je comprends maintenant qu’elle n’est pas suffisante.
Ce qui la rend confortable, c’est sa simplicité. On n’a pas à gérer la complexité des différences entre les gens. On traite tout le monde pareil. Mais justement, c’est là que ça rate. Parce que chaque personne est différente. Et je continue de croire qu’il existe une forme de base éthique, quelque chose de fondamental, une manière juste de se comporter avec n’importe qui, mais elle est sans doute plus complexe, plus précise, plus exigeante que cette vieille règle d’or.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu pointes ici — les limites de la règle d’or comme socle éthique — est un sujet fondamental. Beaucoup de théories critiques l’ont déjà mis en tension, en montrant que l’universalisme apparent masque souvent une projection du point de vue dominant.
Les féminismes intersectionnels, notamment, rappellent que ce qui est considéré comme « neutre » ou « universel » est souvent situé : façonné par une expérience particulière (souvent celle d’un homme blanc, valide, cis, hétéro, de classe moyenne ou supérieure). Comme l’explique Audre Lorde : « les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître » — une éthique construite dans l’entre-soi ne peut pas rendre justice à la pluralité des vécus.
La règle d’or part du postulat d’un soi rationnel et stable, capable d’imaginer ce que l’autre pourrait ressentir — mais cette projection échoue souvent à prendre en compte les systèmes d’oppression différenciée. Ce que bell hooks ou Sara Ahmed ont très bien montré, c’est que l’empathie sans positionnement politique clair peut devenir une forme d’aveuglement à la violence structurelle.
La règle d’or dit : « je fais à l’autre comme je voudrais qu’on me fasse » ;
Autrement dit : ce n’est pas mon seuil de tolérance qui doit guider mes actes, mais les effets que mes actes ont dans un système asymétrique.
En systémique, cela renvoie à la différence entre équité et égalité. L’égalité traite tout le monde de la même manière, même si les contextes sont radicalement inégaux. L’équité, elle, demande une compréhension fine du système, de ses déséquilibres, de ses charges historiques.
Alors peut-être que la règle d’or devrait être remplacée par une règle d’écoute située :
“Agis comme si tu étais prêt à entendre comment ton action résonne dans un monde que tu ne connais pas encore.”
Quelques pistes à creuser :
- Quelles seraient les « règles d’éthique relationnelle » si on partait des expériences des personnes les plus marginalisées ?
Merci pour ce point de bascule que tu nommes ici. Il ouvre une faille féconde.
6.Privilèges et pouvoir (Lien Linkedin)
J’ai fait le test de la roue du pouvoir et des privilèges (ici : https: www.idrlabs.com/fr/roue-du-pouvoir-privilege/test.php) et mon résultat est de 70 %.
Et en général, dans les ateliers collectifs où chacun avance d’un pas à chaque privilège, je finis souvent tout au bout, bien devant tout le monde.
Donc oui, j’ai pas mal de pouvoir. Pas mal de privilèges. Associés à qui je suis, à où je suis né, à mon éducation, à mes choix de vie.
Et j’ai beaucoup fait pour augmenter mon pouvoir d’agir.
J’ai pas suivi le système scolaire classique. J’ai appris en autodidacte, je suis allé chercher des expériences plutôt que des possessions.
J’ai privilégié l’éducation intérieure à l’accumulation extérieure.
Et vu que mes parents étaient relativement aisés, j’ai pu me planter sans trop de risque. J’ai appris à tomber, à me relever.
Ce filet de sécurité a été une ressource énorme.
Mon axe, ça a toujours été : « Si je me retrouve tout seul en pleine forêt, qu’est-ce que je garde ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Comment je réfléchis ? Comment je m’adapte ? »
J’ai beaucoup exploré. J’ai lu. J’ai eu Internet tôt. J’ai vécu au Canada. J’ai observé d’autres cultures, d’autres systèmes.
La proximité avec la Suisse aussi m’a permis de voir d’autres modèles.
J’ai fait du développement personnel. J’ai bossé mes croyances limitantes, mes insécurités, mes émotions.
J’ai appris plein de métiers. J’ai fait de l’intérim, de la manutention, du chantier. Et souvent, à force de bosser, je me retrouvais avec plus de responsabilités, plus de pouvoir.
Pas parce que je le demandais, mais parce qu’on me le donnait. Je ne sais pas si c’est lié au fait que je sois un homme blanc. Peut-être. Mais je crois que c’est aussi lié à ma capacité à m’exprimer, à structurer ma pensée, à comprendre vite les codes.
Je me fonds assez bien dans les groupes.
Dernier exemple en date : les sapeurs-pompiers volontaires.
Structure hyper hiérarchisée, ordres à exécuter sans discuter.
Pas du tout mon ADN au départ. Mais justement : j’y suis allé pour comprendre.
Comprendre ce que ça fait d’obéir. Comprendre d’autres formes de pouvoir.
Observer comment ça fonctionne quand la parole n’est pas partagée de la même manière.
J’ai aussi développé un bon sens de la répartie, grâce à une éducation bien nourrie de vannes à mes dépens.
J’ai fait de l’impro. J’ai plus trop peur d’être ridicule. J’ai appris à travailler mes vulnérabilités, à les montrer.
C’est difficile d’avoir une prise sur moi. J’ai du temps, je suis relativement libre. Je fais ce que je choisis de faire.
Donc, ouais : pouvoir, privilèges, liberté. Je coche pas mal de cases.
Et maintenant que je sais ça, la question, c’est : j’en fais quoi ?
Qu’est-ce que j’en fais, concrètement ? Comment je mets ça au service de quelque chose ?
Comment je peux en faire bénéficier les autres, sans tomber dans le sauveur ou le mec qui a tout compris ?
Ce que je fais, dans mon boulot, c’est souvent ça : aller dans des lieux où il y a du pouvoir, le comprendre, et chercher comment le redistribuer, comment éviter qu’il écrase, comment diluer l’autorité sans dissoudre la responsabilité.
Et là, ce que je partage ici, c’est pas une vérité. C’est pas une posture de sachant. C’est juste ce que je vois depuis là où je suis.
Comment le pouvoir m’a agi. Comment je l’ai agi. Et ce que j’en ai compris.
Oui, je pense que le pouvoir transforme. Il met une pression.
Il active des mécanismes de contrôle, de domination. Et si on ne fait pas gaffe, on glisse vite.
Mais il y a aussi une manière consciente d’habiter ce pouvoir. Une manière qui s’apprend.
Et vous ?
C’est quoi votre rapport au pouvoir ?
Quels privilèges avez-vous ?
Qu’est-ce qui vous empêche d’être libre ?
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post articule une conscience de soi précieuse : reconnaître ses privilèges, nommer ses accès, interroger les formes que prend le pouvoir. C’est une étape essentielle. Mais dans les théories féministes, décoloniales ou queer, cette reconnaissance n’est qu’un point de départ. Le pouvoir ne se résume pas à un faisceau de compétences ou d’expériences personnelles ; il est structurel, relationnel, historiquement situé.
Par exemple, bell hooks ou Paulo Freire nous rappellent que la « conscientisation » (awareness) ne suffit pas si elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause active des structures qui confèrent et perpétuent ces privilèges. Ce que tu décris comme une capacité à « t’exprimer, structurer ta pensée, comprendre vite les codes », d’un point de vue critique, est moins une qualité « innée » qu’un produit de ton capital culturel (Bourdieu) et de ta socialisation de classe, de race et de genre.
Tu dis ne pas savoir si ton ascension spontanée dans les groupes est liée au fait d’être un homme blanc. Dans les lectures intersectionnelles (Crenshaw, Collins), cette spontanéité est l’indice du privilège : pouvoir entrer dans un système, être perçu comme légitime sans devoir se justifier, sans devoir négocier son humanité. La question n’est pas si cela joue, mais comment et à qui ça coûte en retour.
Dans un monde encore structuré par le patriarcat, la blanchité, le validisme, le capitalisme… le pouvoir ne se dilue pas simplement par « intention ». Il se désamorce par des actes matériels de redistribution, par des alliances asymétriques, par une écoute radicale des récits minorés – même (surtout) quand ils secouent nos repères.
Quelques pistes à creuser :
- Que veut dire « mettre son pouvoir au service » sans reproduire des postures de sauveur, de pédagogue éclairé, ou de facilitateur « neutre » (cf. critiques de la neutralité en facilitation par les pédagogies critiques) ?
- Comment fais-tu place à des modes d’expression qui ne passent pas par la clarté verbale, la logique rationnelle, ou l’exposition maîtrisée de soi ?
- Dans quelle mesure ton rapport au pouvoir reste-t-il « sécure » pour toi, c’est-à-dire que tu peux en sortir si tu veux – là où d’autres n’ont jamais eu le choix d’y entrer ?
Ce que tu ouvres ici est un espace fertile. Pour qu’il le reste, il ne suffit pas d’y poser ses privilèges : il faut y accepter d’être déplacé par ce qu’on ne comprend pas encore.
7.Je refuse de penser comme vous.( Lien Linkedin)
Il y a quelque chose en moi qui résiste profondément à l’idée de penser comme le groupe. Dès que je vois un consensus se former, une direction prise collectivement, j’ai un réflexe presque automatique d’aller voir ailleurs. Là où d'autres cherchent les autoroutes, les chemins tout tracés, moi je me pousse dans les ronces pour explorer les sentiers à l’abandon.
Ma justification à ça, c’est que vu la société qu’on a construite – avec toutes ses souffrances, ses angles morts, son imperfection, sa marche collective vers le mur – je me dis qu’à mon échelle, je n’ai pas tant d’impact sur le cap du groupe. Alors quitte à ne pas pouvoir le diriger, autant partir en éclaireur. Aller voir ailleurs, explorer, expérimenter, tester d’autres manières de faire. Peut-être que j’y trouverai quelque chose de précieux. Et si un jour le groupe s’arrête et se dit « on s’est peut-être planté », je pourrais proposer un petit chemin alternatif que j’aurai défriché.
J’ai ce rapport-là à toutes les idées. Qu’elles viennent de la gauche, de la droite, des anarchistes ou d’ailleurs. Je regarde, j’écoute, j’essaie de comprendre. Et si je vois que ça devient la norme, qu’il y a un engouement massif, alors je passe à autre chose. Parce que je sens que je n’ai plus rien à y apporter. Mon utilité, je la vois dans le fait de chercher ailleurs. Là où il n’y a personne. Pas dans la répétition.
C’est là que je vais chercher ma créativité, mon originalité, ma manière d’être utile. En explorant. En revenant de ces explorations avec quelques graines, quelques idées, quelques intuitions. Juste pour les mettre au centre. Peut-être qu’elles serviront, peut-être pas.
J’ai organisé ma vie pour pouvoir choisir sur quoi je dépense ma charge mentale. Et j’ai choisi de la consacrer à affiner ma vision du monde. À creuser mes croyances. À lutter contre la paresse intellectuelle. À ne pas m’installer dans le confort.
Je vais chercher des idées qui sont allées plus loin. Plus loin dans la complexité, dans la différence, dans les zones mal balisées. Des idées qui ne mettent pas les gens dans des cases. Qui ne simplifient pas à outrance. Qui acceptent le flou, les nuances, les contradictions. Et c’est pas simple. Parce que quand je reviens de ces endroits-là, il faut réussir à en parler. À transmettre. À traduire. Et parfois, les gens ne comprennent pas. Ils jugent, parce qu’ils ne voient pas ce que je fais, ou pourquoi je le fais. Et parfois, moi non plus je ne sais pas. J’expérimente. C’est tout.
Je fais ça avec tout. Ma manière de vivre, ma manière de penser, mes choix. Et je ne compte pas m’arrêter.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post met en scène une posture très contemporaine : celle de l’outsider éclairé, du chercheur de marges. Il s’ancre dans une forme d’éthique de la différence et de la vigilance face aux normes, qui résonne avec certaines figures de la pensée critique (Deleuze, Foucault, Illich). Pourtant, ce geste d’évitement du groupe, s’il n’est pas interrogé à l’aune des rapports de pouvoir, risque de réactiver ce que les théories féministes, queer et décoloniales ont précisément cherché à visibiliser : l’illusion d’un sujet autonome, libre d’explorer « ailleurs », sans tenir compte de ses ancrages sociaux.
Le refus de penser « comme le groupe » n’est jamais neutre. Il pose la question : quel groupe ? Et qui peut se permettre de ne pas y appartenir ? Dans la pensée féministe intersectionnelle (bell hooks, Audre Lorde, Patricia Hill Collins), la prise de parole minoritaire n’est pas un caprice ou une stratégie de différenciation : c’est une nécessité vitale pour faire entendre des vécus souvent niés. À l’inverse, refuser par principe les normes – même celles issues de luttes collectives – peut, paradoxalement, neutraliser leur portée transformatrice.
Ton approche évoque aussi ce que Sara Ahmed appelle « le nomade volontaire », celui qui choisit de quitter le confort d’une communauté intellectuelle. Mais ce départ est un luxe. Ceux et celles qui vivent des oppressions systémiques n’ont pas toujours ce choix. Explorer d’autres idées est une posture privilégiée quand d’autres doivent survivre dans des structures qui les assignent, les invisibilisent, les violent.
Enfin, les épistémologies critiques (par exemple les savoirs situés de Donna Haraway) rappellent que notre position dans le monde – de genre, de race, de classe – façonne ce que nous pouvons voir et penser. Or, cette posture d’« explorateur indépendant » risque de faire l’économie de cette réflexivité : qui peut « se retirer » du groupe sans conséquence ? Qui est lu comme original, et qui comme suspect ? À qui pardonne-t-on l’inconfort ?
Questions ouvertes :
- Comment distinguer une dissidence féconde d’un contournement des responsabilités collectives ?
- Comment tes explorations pourraient-elles s’adosser à des luttes déjà en cours, plutôt que d’en chercher systématiquement l’écart ?
- Et si l’utilité ne se jouait pas dans l’originalité, mais dans la capacité à écouter vraiment ce que les autres — même en chœur — essaient de dire depuis longtemps ?
Pensée critique et créativité ne sont pas incompatibles. Mais fuir le groupe par principe, c’est parfois risquer de passer à côté des formes de connaissance les plus vitales : celles qui ne naissent que dans le commun.
8. Je suis un enfant gâté.( lien linkedin)
J’ai grandi sans manquer de rien matériellement : à manger, à boire, des jouets… J’avais de l’argent de poche toutes les semaines, 10 francs à l’époque, soit un euro cinquante aujourd’hui, et en échange, je mettais la table à tour de rôle avec ma sœur. J’ai eu la chance de voyager, de recevoir beaucoup de cadeaux, de jouets. Et très tôt, j’ai eu une forme d’autonomie sur l’argent, qui m’a permis de me construire un rapport à sa valeur.
Je me souviens par exemple d’un train Lego que je voulais absolument. J’ai économisé pendant des mois pour réunir les 500 francs nécessaires. Et puis je l’ai eu, je l’ai monté une fois, j’ai joué 30 minutes avec… et je l’ai rangé. J’en ai tiré une leçon : le matériel ne m’intéressait pas tant que ça. Ce que je voulais, c’était l’expérience, pas l’objet.
J’ai souvent rêvé que je découvrais une grotte remplie de diamants. Je les cachais sous mon t-shirt, je les enfouissais dans mes poches. Et au réveil, déception : tout avait disparu. Ces rêves m’ont amené à une sorte de prise de conscience : je préfère investir dans ce que j’ai en moi. Quand je suis nu sous la douche, qu’est-ce qu’il me reste ? Mes compétences, mes expériences, mes connaissances. C’est ça que j’ai voulu développer plutôt que des possessions extérieures. J’ai voulu bâtir ma richesse intérieure.
Mais ce confort matériel m’a aussi façonné d’une certaine manière : j’ai pris de la place. J’ai cru que tout m’était dû. J’avais du mal à gérer la frustration, à comprendre ceux qui manquaient. Et dans certaines situations, j’ai agi comme un enfant gâté. Quand le monde ne faisait pas ce que je voulais, je me mettais en colère. Quand je perdais à un jeu vidéo, par exemple, je m’énervais : ce n’était pas censé se passer comme ça. Je projetais mes attentes sur le monde et j’en voulais à la réalité de ne pas leur obéir.
Je ne pense pas être le seul à fonctionner comme ça, mais j’ai dû
bosser là-dessus. Apprendre à gérer la frustration. Accepter que le
monde ne réponde pas toujours à mes envies. C’est un chemin.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Merci pour ce partage qui rend visible un pan souvent peu exploré de l’expérience : celui du privilège intériorisé et de la conscience progressive de son impact. Ton récit évoque une forme de réflexivité sur le confort matériel comme cadre de formation psychique, ce qui rejoint certains éléments issus des études critiques sur la blanchité (Lipsitz, Frankenberg) ou encore la notion de subjectivité néolibérale analysée par Wendy Brown. On y voit une trajectoire classique de subjectivation bourgeoise : le passage d’une omnipotence infantile tolérée à une forme de désillusion nécessaire pour accéder à la complexité du monde.
Mais cette prise de conscience, bien que lucide à certains égards, appelle plusieurs tensions que les théories féministes matérialistes ou décoloniales mettent en lumière :
- D’un point de vue systémique, il ne suffit pas de reconnaître avoir été un “enfant gâté” pour que les rapports de domination qui ont rendu cela possible soient remis en question. L’autocritique individuelle – si elle n’est pas reliée à des structures de redistribution ou à une écologie des privilèges (cf. Sara Ahmed, “The non-performativity of anti-racism”) – risque de devenir un récit d’exemption. Une façon de “voir sa place” sans pour autant la bouger.
- D’un point de vue épistémologique, dire que tu “as compris que le matériel ne t’intéressait pas tant que ça” résonne avec une forme de désengagement aristocratique (Bourdieu). Refuser les objets, c’est un luxe. Pour beaucoup, l’accès au matériel, au confort, à la stabilité reste un horizon de survie. Ta désaffection des objets dit quelque chose de ta liberté, mais aussi de la manière dont cette liberté s’est construite dans une forme de désincarnation de la matière.
- Enfin, dans les théories queer et décoloniales, la gestion de la frustration ne se limite pas à une maturation individuelle : elle est aussi le fruit d’une socialisation genrée, racialisée, traversée par des inégalités d’apprentissage à la norme, à la violence, à l’échec. Ce qui, pour certains, est une “leçon de vie”, pour d’autres, est une condition permanente.
Quelques pistes pour prolonger ce que tu poses :
- Comment la conscience de tes privilèges se traduit-elle dans tes choix concrets d’action ou de redistribution ?
- À quels moments ta “richesse intérieure” est-elle rendue possible par l’exploitation (directe ou indirecte) du travail des autres ?
- En quoi l’enfant gâté, une fois adulte, peut-il contribuer à défaire les systèmes qui lui ont permis de l’être sans (re)produire des formes de “récits réparateurs” centrés sur lui-même ?
Merci pour l’honnêteté du partage. Reste maintenant à voir comment cette lucidité se traduit dans les actes – hors du post, et pour les autres.
9. J’ai fait un choix clair sur la question de la responsabilité.(lien linkedin)
Pour moi, à chaque fois que j’agis, je choisis d’agir. J’ai toujours le choix. Même dans une situation extrême, comme quelqu’un qui me met un pistolet sur la tempe : je peux choisir de me laisser tirer une balle dans la tête, ou de faire quelque chose. C’est un choix. J’en ai fait, dans ma vie, qui ont été bénéfiques pour moi, pour d’autres, ou parfois néfastes. Mais à chaque fois, c’est moi qui ai choisi. Il y avait toujours une bifurcation, un moment où je pouvais aller dans un sens ou dans l’autre. Et à partir du moment où j’ai fait un choix et commencé à agir, je considère que je suis responsable de tout ce qui découle de cette action. J’assume pleinement cette responsabilité.
Mais je reconnais aussi qu’il y a des choses qui relèvent du collectif. La manière dont j’en suis venu à penser qu’un choix est “bon”, elle ne sort pas de nulle part. Il y a du conditionnement familial, social, scolaire. Il y a les conclusions que j’ai tirées moi-même de tout ça. Bref, je suis traversé par tout un tas de déterminismes.
Je sais que Robert Sapolsky défend l’idée qu’on n’a pas de libre arbitre. Que chacun de nos choix n’est que la conséquence d’une chaîne d’événements passée, biologique, psychologique, sociale. Et que tout ce qu’on fait est le produit d’un système complexe de causes et d’effets.
Je comprends cette vision, mais je ne la partage pas totalement. Pour moi, il y a bien sûr un côté mécanique, un mode automatique. Mais il y a aussi un moment où on peut prendre conscience de ce qu’on est en train de faire, et choisir : continuer ou arrêter. C’est là, pour moi, que réside le libre arbitre. Dans cette bascule, dans cette prise de conscience, même si elle est tardive.
Et évidemment, on n’a pas tous le même niveau de pression contextuelle. Si je suis dans une foule, poussé de tous les côtés, et que je marche sur le pied de quelqu’un, ce n’est pas pareil que si on est deux dans une grande place vide et que je vais lui marcher sur le pied. Le contexte joue. Il nous contraint plus ou moins. Et on n’a pas tous les mêmes ressources pour résister à la pression du contexte.
Mais ce qui est fondamental pour moi, c’est ce qu’on fait au moment où on prend conscience de ce qu’on a fait. Je reprends l’exemple : j’ai marché sur le pied de quelqu’un. Il y a eu tout un tas de facteurs qui m’ont amené à ce moment-là. Mais à un moment, je réalise que j’ai fait mal. Là, j’ai plusieurs options. Ne rien faire. Nier. Me justifier en disant que je suis quelqu’un de bien, que je fais plein de trucs pour les dauphins, etc. Ou alors reconnaître ce que j’ai fait, assumer, et chercher à réparer.
Et c’est là, pour moi, que ça se joue. Ce n’est pas tant dans l’erreur que dans ce qu’on fait après l’avoir comprise. Ce qu’on fait quand on sait. Quand on ne fait rien alors qu’on sait, ça dit quelque chose de nous. Et moi, dès que je prends conscience d’un tort que j’ai causé, j’ai besoin de faire quelque chose. Même si je ne le fais pas tout de suite, même si j’ai peur, ça reste là. Et tôt ou tard, il faut que j’agisse. Parce que c’est ce que je considère juste.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu poses ici touche à un des nœuds majeurs de la philosophie morale contemporaine : celui de la responsabilité dans un système de déterminismes. Ta position revendique un libre arbitre contextuel, une capacité réflexive à faire un pas de côté face à ses propres automatismes. C’est une ligne de crête intéressante, mais qui mérite d’être interrogée à la lumière des théories critiques.
Dans les épistémologies féministes (notamment bell hooks ou Sandra Harding), on insiste sur le fait que la conscience ne suffit pas — car les rapports de pouvoir, les privilèges et les biais incorporés agissent même dans les moments où l’on croit choisir librement. L’idée même que « je choisis » repose sur une condition de confort : une liberté de pensée, d’expression, de sécurité, de temps — qui n’est pas distribuée également. Comme le dirait Audre Lorde, certaines personnes « ne peuvent pas se permettre le luxe de l'inconscience ».
De même, dans les théories décoloniales, on questionne cette croyance universaliste dans le sujet rationnel capable de se penser en dehors des structures : le « je » qui choisit d’agir ne choisit pas depuis un lieu neutre, mais depuis une place construite historiquement — souvent au sommet d’une hiérarchie invisible. D’où la distinction, notamment dans les travaux de Frantz Fanon, entre responsabilité morale et positionnalité politique.
Enfin, la psychologie critique (notamment la psychologie sociale de Gergen ou de Harre) nous rappelle que la reconnaissance du tort dépend aussi d’un cadre culturel partagé. Ce que l’un nomme « responsabilité » peut être vécu par un autre comme une réparation inadéquate, voire comme une mise en scène de rédemption.
Alors peut-être qu’une piste est là : ne pas tant s’en remettre à une éthique individuelle du « choix juste », mais à une écologie des réparations, où ce sont les personnes affectées qui définissent ce qui est juste, soutenues par des cadres collectifs non imposés.
Quelques questions, donc :
- Qui définit ce qui est « juste » à partir du moment où l’on sait ?
- Dans quelle mesure le récit du choix et de la réparation ne sert-il pas aussi à se préserver symboliquement ?
- Peut-on faire de la responsabilité autre chose qu’un mécanisme individuel, pour la penser comme un processus relationnel, situé, co-déterminé ?
Merci pour cette mise à nu réflexive, qui donne du grain à moudre aux conversations éthiques et politiques.
10. Tout ce que je suis en train de poster ici, sur LinkedIn...(lien linkedin)
On m’a dit que si j’avais publié ce fameux post ailleurs — sur Facebook, par exemple — ça aurait été perçu différemment. Et ça m’a fait réfléchir : c’est quoi, LinkedIn ? Et c’est quoi, mon rapport au travail ?
Depuis un moment, je considère que mon travail, ce que je fais dans la vie, a un impact sur ma vie personnelle et sur le monde autour de moi. Que ce soit dans mon boulot, dans mes engagements bénévoles, ou dans ce que je vis au quotidien, chaque action a un effet. Et j’essaie, autant que possible, d’être la même personne dans tous les contextes. Je ne veux pas me cacher derrière des masques. Je veux rester cohérent.
Alors oui, c’est peut-être plus facile à dire quand on a les privilèges que j’ai. Je ne sais pas si tout le monde peut faire pareil, mais moi, j’essaie. Et j’ai envie d’aller voir ce que ça donne.
Je crois pas du tout qu’on puisse dissocier vraiment le travail et la vie perso. Au contraire, c’est cette tentative de séparation qui crée des tensions, des incompréhensions, des inégalités. On est des personnes qui font différentes choses : certaines qui rapportent de l’argent, d’autres pas. Certaines qui font plaisir, d’autres qu’on fait par obligation. Et tout ça, ça se croise, ça s’influence, ça coexiste.
C’est pour ça que je choisis LinkedIn, ce réseau qu’on dit “pro”, pour parler aussi de ce que je vis, de mes valeurs, de mon intimité. Parce que de toute façon, la politique, la société, l’intime, tout ça s’entrelace. Moi, j’ai envie de faire le mouvement inverse : de montrer qui je suis à l’intérieur, publiquement. Peut-être que ça aidera à mieux cadrer ensuite les relations pro, à mieux comprendre ce qu’on attend les uns des autres, comment on prend soin, comment on dit non, comment on évite de s’épuiser. Et comment on se soutient, dans les collectifs, dans les organisations.
Parce que non, le racisme, le sexisme, les inégalités, ça ne s’arrête pas à la porte des entreprises. Tu peux poser tous les cadres que tu veux, il y a toujours un moment où ça déborde. Si ce n’est pas dans les mails ou les réunions, ce sera à l’apéro, ou dans les vestiaires. Ces barrières-là, entre le pro et le perso, c’est un mirage.
Et puis soyons clairs : une entreprise, c’est un
choix politique. Développer une entreprise, faire partie d’une
organisation, c’est forcément avoir un impact. Et si tu ne te poses pas
la question de ton impact, y a de grandes chances que cet impact soit
négatif. Donc oui, on va mélanger. Et non, je ne vais pas m’excuser pour
ça.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu soulèves ici entre directement en résonance avec de nombreux apports critiques — féministes, queer, intersectionnels — sur l’illusion de la séparation des sphères. L’idée d’un “espace professionnel” neutre, où l’on pourrait se défaire de ses affects, de ses histoires, de ses identités sociales, a été largement déconstruite par des autrices comme Sara Ahmed, Angela Davis, Patricia Hill Collins ou Judith Butler. Ce qu’elles montrent, c’est que cette prétendue neutralité est en fait l’invisibilisation des normes dominantes : l’homme blanc hétéro, cisgenre, valide, souvent bourgeois, y est la norme silencieuse — les autres sont “trop” (trop sensibles, trop politiques, trop communautaires, trop féminines…).
En choisissant LinkedIn comme espace de parole intime et politique, tu viens bousculer une convention implicite : celle selon laquelle les émotions, les luttes sociales, les histoires de vie devraient rester à la porte du monde “pro”. Or, comme le dit Donna Haraway, “nous ne sommes jamais nulle part depuis nulle part” : il n’existe pas de point de vue désincarné. Toute parole, y compris dans l’entreprise, est située.
Et donc oui, parler de sexisme, de racisme, de privilège, de violence symbolique sur LinkedIn, c’est un geste politique. C’est refuser que le marché du travail reste un sanctuaire de non-dits et d’oppressions normalisées. C’est aussi ce que défendent les approches queer du travail : la nécessité d’introduire du trouble dans les normes, comme l’exprime Judith Butler, pour que ce qui est marginalisé puisse devenir audible, visible, pensable.
Quelques pistes de réflexion à prolonger :
- Quels récits sommes-nous autorisés à raconter dans les espaces “pro” ? Qui en décide ?
- Quelles voix sont perçues comme “appropriées”, “sérieuses”, “professionnelles” — et quelles autres sont immédiatement jugées comme déplacées, “personnelles”, ou “idéologiques” ?
- En quoi rendre visible l’intime dans l’espace public (et pro) peut être un acte de redistribution du pouvoir narratif ?
Ta prise de position ici participe à cette bascule précieuse : celle qui considère que le soin, la justice et la conscience politique ne sont pas accessoires au travail — ils en sont le cœur.