Je me suis acheté une nouvelle paire de baskets. Elles sont magnifiques. Blanches avec des rayures jaunes. Elles m’ont couté cher mais ça vaut vraiment le coup, la semelle épouse la voûte plantaire et accompagne le pied dans ses mouvements pour éviter les problèmes de dos. Les problèmes de dos sont le mal du siècle. Les lacets sont composés d’un polymère spécial qui les empêche de glisser, comme ça je n’ai plus besoin de faire un double nœud et ça tient toute la journée. C’est révolutionnaire.
La publicité disait que ces nouvelles chaussures me rendraient heureux et c’est vrai. Elles sont tellement jolies que tout le monde les regarde. Même moi, je marche en regardant mes pieds, hypnotisé par cette manière qu’elles ont d’enserrer parfaitement ma cheville dans un carcan protecteur, les tenant à l’abri d’une foulure. J’aime regarder mes pieds lorsque je marche dans une flaque, l’eau ruisselant sur leurs magnifiques rayures jaunes. Je regarde mes pieds quand je cours dans les feuilles mortes. Rien ne leur résiste.
Je marche en regardant mes nouvelles chaussures toute la journée, et ça me rend heureux. Je marche le nez au sol parce qu’il est trop dur de relever la tête. Depuis longtemps, courbé sous le poids des pressions que les autres exercent sur moi, je regardais mes pieds. Pour ne pas voir ce monde qui s’effrite autour de moi, je regardais mes pieds. Pour ne pas croiser le regard désapprobateur de ma femme que je délaisse et de mes enfants élevés par la télévision, je regardais mes pieds.
Mais maintenant j’ai des chaussures neuves.
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