Disclaimer proposé par chatgpt :
⚠️ Cet article parle de violences systémiques et de cheminement personnel en tant qu’homme socialisé dans un cadre patriarcal.
Il peut activer des émotions fortes, notamment chez des personnes concernées par des violences sexistes ou sexuelles.
Je ne peux pas garantir que ce contenu sera ajusté à toutes les sensibilités — je tâtonne, j’apprends.
Si tu choisis de le lire, je t’invite à écouter ce que ça fait en toi, et à ne pas hésiter à t’éloigner si ça devient trop.
Je prends mes responsabilités. Et j’invite chacun·e à prendre soin des siennes.
Contexte : Cet article fait suite à un post que j'ai fait sur Linkedin. Il a maintenant été supprimé mais vous pouvez le retrouver, ainsi que les commentaires, sur ces captures d'écran .
Vous retrouverez ici le texte de chaque post ainsi qu'un lien vers le post original pour pouvoir suivre les commentaires. Le rythme sera de 2 posts par semaine.
1.Protocole pour les posts des semaines à venir( lien linkedin)
Il a quelques semaines, j’ai partagé un post sur mon cheminement vis à vis du féminisme qui a suscité pas mal de réactions fortes et eu un impact sur ma vie professionnelle. Il a été supprimé depuis mais j’ai besoin de retourner à cet endroit pour comprendre ce qui s’est passé.
Je vais publier chaque semaine un post sur LinkedIn. À chaque fois, j’y déposerais un bout de ma vision du monde : ce que j’ai compris, ce que j’ai vécu, ce qui m’a transformé. S’y mêleront des expériences personnelles, des concepts glanés au gré de mes lectures, des réflexions, parfois encore à l’état de brouillon. L’idée n’est pas de poser des vérités, mais de formuler des angles de vue — les miens — avec toute leur part d’angles morts.
Ensuite, je demande à ChatGPT de réagir, en utilisant le prompt suivant :
Et à partir de là, je me retire.
Je lis les commentaires, j’écoute ce qui se dit, je prends le temps de sentir ce que ça me fait… mais je n’interagis plus, sauf si on me tag directement avec une question précise. Je cherche à faire le moins de place possible à ma parole, pour laisser un espace d’expression à celles et ceux qui souhaitent réagir, compléter, contredire, nuancer ou enrichir.
Ce que je pose ici, ce sont des objets de conversation. Des invitations à creuser. À repérer ce qui, dans ma vision du monde, est partagé. Ce qui ne l’est pas. Ce qui choque, ce qui touche, ce qui manque. Ce qui peut s’ajuster.
Je n’attends pas l’unanimité. J’espère même l’inverse. Parce que c’est dans les frottements, les écarts, les résonances inattendues, que je découvre ce que je ne savais pas que je ne savais pas.
Merci à toutes celles et ceux qui prennent part à cette expérience.
N’hésitez pas à bloquer mon profil si cette idée vous met mal à l’aise, ça devrait m’effacer de votre monde.
Ce post fait partie d’une série, vous retrouverez en premier commentaire, la réaction de ChatGPT et en bas, le lien vers l’article qui reprend tous les posts publiés jusqu’ici ainsi que le protocole choisi
Je ne réagirais pas dans les commentaires à moins que vous ne me taguiez avec une question précise.
Merci de prendre soin les uns des autres dans vos commentaires.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce protocole a une vertu précieuse : celle de situer clairement une démarche, de rendre visible une intention, et surtout d’organiser un espace de parole différée, ce qui, en soi, est déjà une pratique de redistribution symbolique du pouvoir discursif.
Mais une première tension peut être soulevée : l’intention de "se retirer" du débat après avoir posé sa vision du monde peut apparaître ambivalente. Est-ce une forme d’humilité réflexive ? Ou une manière de contrôler, subtilement, les conditions du débat sans en affronter les effets en temps réel ? Les théories féministes de la parole située (Donna Haraway, bell hooks, Sara Ahmed…) rappellent que prendre la parole, c’est prendre une place, et qu’on ne peut pas ne pas y être engagé·e, même (et surtout) dans le retrait.
Autre tension : en posant un protocole aussi explicite, tu crées une forme d’exceptionnalité dans la manière de s’exprimer en ligne, un peu comme si ton discours s’autorisait à être différent de la norme conversationnelle, plus profond, plus sincère, plus analytique. Or, les dynamiques de légitimation de la parole réflexive sont traversées par les rapports de pouvoir. Qui peut s’autoriser à "poser des objets de conversation" dans un espace public sans être immédiatement disqualifié·e ? Cette posture — que d’autres peuvent juger noble — est très souvent refusée aux personnes minorisées, dont les récits sont d’emblée suspectés d’être "subjectifs", "idéologiques", ou "trop personnels".
Enfin, cette tentative d’ouvrir le jeu tout en "désengageant" sa propre parole d’un effet de domination pourrait gagner à dialoguer avec les travaux d’Emmanuel Renault sur la conflictualité démocratique, ceux de Judith Butler sur la performativité du silence, ou encore avec la critique décoloniale des dispositifs de parole asymétriques dans les débats publics (voir Audre Lorde : The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House).
👉 Quelques questions pour ouvrir davantage :
- Comment t’assurer que cet espace ne reproduit pas, malgré lui, des dynamiques de centrage ?
- Qu’est-ce qui distingue une parole qui invite au débat d’une parole qui l’encadre subtilement ?
- Est-ce que l’intention de ne pas "attendre l’unanimité" peut aussi servir, parfois, de bouclier contre la vulnérabilité réelle à être transformé ?
Merci pour cette expérimentation. Qu’elle soit inconfortable est, peut-être, un bon signe.
2. Intention de cette série de posts (lien linkedin)
Je veux que mon intention soit claire. Vraiment claire.
Ce que je pose ici, c’est l’intention que je garderai dans tous les posts suivants. Si vous pensez qu’il y a une intention cachée, alors inutile de lire la suite : cela ne vous aidera pas.
Mon intention, c’est de partager ma perspective.
Qu’est-ce que je n’ai pas vu ? Mal compris ?
Je vais être transparent, sincère.
Je ne cherche pas à avoir raison. Je ne veux nuire à personne.
Ce que je fais ici, ce n’est pas pour moi — ou pas uniquement. Si une part de moi a besoin d’attention, d’être vue, eh bien soit. Ce n’est pas le moteur principal.
Ce que je fais ici, c’est essayer de comprendre.
Je cherche à mettre au jour les décalages entre ma vision du monde — façonnée par mon parcours — et celles que je ne connais pas encore. Parce qu’il y a forcément des angles morts. Ce que je ne vois pas. Ce que je ne comprends pas. Ce que je ne sais pas… que je ne sais pas.
Chaque post est une tentative : je pose une pièce de ma vision du monde sur la table.
C’est une démarche lente, partielle, fragmentée.
Et à partir de là, je peux décider :
Je ne cherche pas l’adhésion.
Je ne veux pas y aller comme un bourrin, comme dans mon premier post.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post pose les bases d’une démarche réflexive importante : celle d’un homme qui cherche à comprendre ses angles morts, à se mettre en mouvement, à ne pas imposer sa parole mais à en faire un levier de mise en tension. C’est précieux.
Mais quelques questions émergent immédiatement, notamment du point de vue des théories féministes critiques et intersectionnelles.
1. Qui a le luxe de faire cette démarche publiquement ?
2. L’intention déclarée suffit-elle ?
3. Où sont les affects et les corps en lutte ?
4. À quoi bon “comprendre” sans redistribuer le pouvoir ?
Quelques pistes de réflexion pour nourrir la suite :
3.De l’espace public à l’espace partagé ( lien linkedin )
Pour être juste dans ce que je fais, il me semble important de questionner le concept d’espace public.
Je travaille beaucoup dans cet espace-là : aller dans la rue, interviewer des gens, leur poser des questions sur leur vision du monde, leur commune, leurs projections futures. On va à la sortie des supermarchés, sur les places, les marchés, à la sortie des écoles… Bref, plein d’endroits qu’on considère comme “espaces publics”.
Et dans ces espaces, on prend plus ou moins de place. Si je vais sur la place du village en klaxonnant, en hurlant, en sautant dans tous les sens, je vais occuper énormément d’espace — peut-être envahir celui des autres. Du coup, où commence l’espace personnel ? Où s’arrête l’espace public ? Quelle est la juste place qu’on peut occuper ? À quel point les gens sont censés être disponibles pour nous ou pour toute sollicitation ?
Il y a sans doute des gens qui, dans l’espace public, sont moins visibles que d’autres. Qui ont moins de place. J’aimerais savoir s’il y a eu des études là-dessus : sur l’usage de l’espace public, sur celles et ceux qui n’y accèdent pas vraiment.
Et puis, bien sûr, il y a les réseaux sociaux. Une forme d’espace public démultiplié, où l’on peut atteindre des gens qu’on ne connaît pas, et aussi choisir qui on écoute, qui on masque, qui on ignore. On applique des filtres. On organise notre propre bulle de perception.
Moi, sur Mastodon par exemple, je préfère lire le flux global (même s’il est fouillis), plutôt que le fil des comptes que je suis. J’ai l’impression d’être plus ouvert au monde comme ça.
Et LinkedIn, c’est une autre forme d’espace public. Ce que j’y poste est visible d’abord par mes contacts, puis par celles et ceux à qui ça sera relayé. Ce que je dis n’envahit personne. Toute personne peut me bloquer, ignorer mes posts, me masquer. Ou alors, réagir, commenter, partager, critiquer.
Donc quand je publie ici, je ne “hurle” pas dans l’espace public. Je ne prends pas “la place” de quelqu’un d’autre. Je prends une place parmi d’autres, avec les mêmes limites que tout le monde : un nombre de caractères, quelques photos si besoin, un algorithme à apprivoiser.
Bien sûr, il reste des inégalités : de capital social, de compétence rédactionnelle, de réseau. Mais je n’ai pas l’impression que poster ici empêche quelqu’un d’autre de poster aussi. Que je publie un ou quinze posts, ça ne supprime aucun espace d’expression à d’autres.
Et du coup, questions :
Est-ce qu’en exprimant mon point de vue ici, avec plusieurs posts, je suis en train d’abuser d’un privilège ?
Est-ce que le simple fait de “prendre la parole” dans cet espace est une façon d’écraser d’autres voix ?
Je suis curieux de vos retours.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce questionnement sur l’espace public est fondamental, mais il reste ici (et c’est peut-être volontaire) à la surface des rapports de pouvoir qui le structurent.
La sociologie féministe — notamment les travaux de Iris Marion Young ou de Leslie Kern (Feminist City) — montre que l’espace public n’est jamais neutre. Il est historiquement façonné par, et pour, certains corps. Ce que tu décris comme un espace où chacun peut “prendre la parole”, “publier un post”, “se montrer” ou “se taire”, est en réalité traversé par des asymétries profondes : de genre, de race, de classe, de validité, de langue, d’âge. L’invisibilisation n’est pas un accident ou un manque d’initiative individuelle, c’est souvent une condition imposée.
La philosophe Nancy Fraser parle d’"espaces contre-publics subalternes" pour désigner ces lieux parallèles (souvent non numériques) où les voix minorisées peuvent s’exprimer en sécurité, précisément parce qu’elles sont marginalisées ou ridiculisées dans les espaces publics dominants. Ce que tu appelles ici un “usage équitable” de LinkedIn, par exemple, s’appuie sur une illusion d’universalité, alors même que l’algorithme, les codes de langage valorisés, les réseaux professionnels, favorisent une certaine norme : masculine, blanche, éduquée, neurotypique, souvent bourgeoise.
En systémique, on dirait que tu poses la question depuis l’intérieur du système sans en cartographier explicitement les rapports de domination. Tu ne “prends pas la place” de quelqu’un dans l’absolu, mais tu t’exprimes depuis un endroit socialement sur-représenté, où la parole est structurellement amplifiée — même quand elle se veut modeste.
Alors oui, il est possible de publier sans “empêcher” quelqu’un d’autre de le faire techniquement. Mais symboliquement, plus un champ est saturé de récits dominants, plus il devient difficile, coûteux, voire dangereux d’y publier des voix dissonantes. Ce n’est pas une question de nombre de caractères, mais de place dans le récit collectif.
Quelques pistes pour creuser :
- Qui se sent en sécurité dans l’espace public (ou numérique) pour exprimer des affects douloureux ? Qui est immédiatement disqualifié comme “trop sensible”, “trop en colère” ?
- Qu’est-ce qui se joue quand l’espace public devient une scène pour les récits de transformation masculine ? Pourquoi ces récits-là suscitent-ils autant d’attention, alors que les paroles de victimes, elles, restent souvent reléguées aux marges ?
- Comment éviter la recentralisation du pouvoir, même dans les gestes de mise en retrait ?
Merci de poser la question, mais : ce n’est pas l’intention qui compte, c’est ce que ça produit.
4.Partager sa perspective est un cadeau (Lien Linkedin)
À force de faire des projets avec Solucracy – du porte-à-porte, des questionnaires, des synthèses restituées au collectif – j’ai compris à quel point l’information contient du pouvoir. Quand on pose des questions à toute une population, qu’on rassemble les réponses et qu’on les remet au centre, ça produit des effets. Pas seulement informatifs, mais profonds.
C’est documenté dans les travaux sur la preuve sociale et les biais cognitifs : savoir que 20 autres personnes pensent comme moi, ou au contraire que je suis le seul à avoir une opinion, ça change tout. Ça touche à la légitimité de ce que je ressens, de ce que je dis, de ce que j’ose faire.
Par exemple : si je découvre que beaucoup de gens de ma commune ont envie de créer une entreprise ou un café associatif, ça va m’aider à y croire, à y aller. Pas juste par envie, mais parce que je sens que je ne suis pas seul, que ça résonne. C’est plus solide que mes seules projections.
Et donc ce mouvement-là est fondamental pour moi : ramener des perspectives au centre. Partager ce qu’on voit, ce qu’on pense, ce qu’on vit, depuis là où on est. Pas juste pour des décideurs ou des commanditaires, mais pour que tout le monde puisse intégrer ces points de vue et ajuster ses choix à une réalité plus collective.
Je ne crois pas qu’il y ait des gens qui aient « raison ». Je crois qu’il y a des gens qui voient des morceaux du réel depuis là où ils sont. Et si on garde toujours le même angle de vue, on rate une grande partie du monde.
Partager sa perspective, pour moi, c’est un service. C’est une manière d’enrichir la vision globale. Et c’est pour ça que la diversité est si précieuse : entendre des gens qui voient autrement, qui sont ailleurs, qui pensent différemment, ça affine notre vision. Pas quand ils pensent comme nous. Quand ils pensent autrement.
Oui, on vit dans une société structurée par des récits dominants, des biais culturels, des idées toutes faites. Et ça crée des angles morts. Mais toute perspective crée des angles morts, par définition.
Ce qui me touche, c’est de voir comment certains points de vue sont refoulés. Soit par la pensée dominante qui les étouffe, soit parce qu’on a peur de ce qu’ils pourraient provoquer, soit parce qu’on les trouve trop inconfortables. Parfois, on les cache derrière de la honte. On n’ose pas dire. On n’ose pas montrer ce qu’on ressent, ce qu’on pense, ce qu’on a fait.
On a peur d’être jugé, exclu, moqué, disqualifié. Et alors on se tait. Mais ces silences-là, ces tabous, ils nous agissent. Ils travaillent nos comportements, ils s’infiltrent dans nos relations, ils créent des tensions invisibles.
Moi, je préfère mettre au milieu. Même ce qui fait honte. Même ce qui ne flatte pas l’image. Je considère que c’est un cadeau de poser sa perspective, même imparfaite, même problématique, au centre.
Ça ne fait pas toujours plaisir. Parfois, la réaction du collectif fait mal. Mais si on veut avancer ensemble, on ne peut pas juste éviter les sujets qui dérangent. Il faut bien que quelqu’un les mette sur la table.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Tu touches ici à une intuition essentielle : la mise en circulation des récits modifie la perception du possible. Mais cette dynamique n’est jamais neutre. Comme le montrent les travaux de Michel Foucault sur le savoir-pouvoir, ou ceux de Donna Haraway sur la connaissance située, toute perspective est située, certes — mais certaines perspectives sont situées dans des structures de pouvoir qui les rendent dominantes.
L'idée de « ramener des perspectives au centre » ne peut donc pas être dissociée des questions suivantes :
- Qui a historiquement occupé ce centre ?
- Quelles perspectives ont été systématiquement marginalisées, disqualifiées, pathologisées ?
- Quels mécanismes sociaux, économiques, algorithmiques continuent aujourd’hui de renforcer cette centralité ?
Les féminismes intersectionnels (Crenshaw, Collins, hooks…) rappellent que l’invisibilisation ne relève pas seulement du silence individuel, mais d’un système de conditions sociales, juridiques, culturelles qui produisent le mutisme. Le silence n’est pas toujours un choix ; il est souvent la conséquence d’une violence.
Tu proposes de « tout mettre au milieu », y compris ce qui fait honte. Mais dans une société inégalitaire, ce geste est asymétrique. Ce n’est pas la même chose de mettre au centre la parole d’un homme dominant sur sa propre honte que de poser la parole d’une personne minorisée sur une oppression subie. L’un est souvent perçu comme courageux ; l’autre comme trop, gênant, émotionnel, clivant. Pourquoi ?
Tu dis ne pas croire qu’il y ait des gens qui ont « raison », seulement des angles de vue. Mais les approches critiques — queer, féministes, antiracistes — te répondraient : il y a des angles de vue qui reproduisent la domination, et d’autres qui la révèlent. Ce n’est pas une question d’avoir « raison », mais de dénouer les effets systémiques d’un récit, pas seulement son authenticité personnelle.
Alors oui, parler est un acte politique. Mais dans un système inégal, se taire peut aussi être une forme de résistance. Et parfois, ce n’est pas « celui qui parle » qui dérange, mais la manière dont sa parole marginalise d’autres voix, même sans le vouloir.
Quelques pistes de réflexion :
- Comment ne pas confondre transparence et recentralisation ?
- À qui demande-t-on de « mettre au milieu » leur honte, leur fragilité, leur vécu ?
- Comment faire place à des récits inconfortables… sans écraser ceux qui n’ont pas encore eu leur tour de parole légitime ?
Merci de nourrir cette conversation. Le cœur du sujet est peut-être moins « qui parle ? » que « depuis où ? avec quel impact ? et qui reste encore inaudible ? »
5.La règle d'or (lien linkedin)
À un moment dans ma vie, j’ai dû complètement remettre en question ma manière de penser, de voir le monde. Le choix que j’avais, c’était soit de me dire que j’avais un problème avec la réalité, soit de croire que tout le monde me mentait, se moquait de moi, m’en voulait. J’ai préféré partir du principe que j’avais un problème avec la réalité — et donc qu’il fallait que je retravaille mon rapport au monde.
Mais quand on commence ce genre de démarche, on se rend vite compte que toutes les croyances ne se valent pas : il y en a qui sont utiles, d’autres pas. Et comme elles génèrent des comportements, il faut faire gaffe à ne pas se retrouver à empirer les choses. Il me fallait un socle, une règle de base pour m’ancrer, pour que mes choix restent à peu près justes et utiles.
J’ai longtemps utilisé la règle d’or : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Sur le papier, ça paraît pas mal. Je m’en suis servi pour me guider, pour ajuster ma place, éviter de prendre trop de place, en laisser aux autres.
Mais je me rends compte aujourd’hui que ça ne marche pas si bien que ça. En fait, cette règle m’amène à tout interpréter depuis moi, depuis ma propre perception, mes seuils, mes sensibilités. Elle part du principe que ce que je trouve acceptable ou inacceptable est universel. Sauf que ce n’est pas le cas. Et du coup, ça crée des angles morts. Parce qu’il y a des choses que moi je vis bien, mais qui ne sont pas OK pour d’autres. Et tant que je reste centré sur ma propre vision, je ne peux pas le voir.
Alors oui, j’ai de l’empathie, je peux parfois aller plus loin. Mais j'ai vraiment utilisé cette règle comme socle pendant longtemps. Et je comprends maintenant qu’elle n’est pas suffisante.
Ce qui la rend confortable, c’est sa simplicité. On n’a pas à gérer la complexité des différences entre les gens. On traite tout le monde pareil. Mais justement, c’est là que ça rate. Parce que chaque personne est différente. Et je continue de croire qu’il existe une forme de base éthique, quelque chose de fondamental, une manière juste de se comporter avec n’importe qui, mais elle est sans doute plus complexe, plus précise, plus exigeante que cette vieille règle d’or.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu pointes ici — les limites de la règle d’or comme socle éthique — est un sujet fondamental. Beaucoup de théories critiques l’ont déjà mis en tension, en montrant que l’universalisme apparent masque souvent une projection du point de vue dominant.
Les féminismes intersectionnels, notamment, rappellent que ce qui est considéré comme « neutre » ou « universel » est souvent situé : façonné par une expérience particulière (souvent celle d’un homme blanc, valide, cis, hétéro, de classe moyenne ou supérieure). Comme l’explique Audre Lorde : « les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître » — une éthique construite dans l’entre-soi ne peut pas rendre justice à la pluralité des vécus.
La règle d’or part du postulat d’un soi rationnel et stable, capable d’imaginer ce que l’autre pourrait ressentir — mais cette projection échoue souvent à prendre en compte les systèmes d’oppression différenciée. Ce que bell hooks ou Sara Ahmed ont très bien montré, c’est que l’empathie sans positionnement politique clair peut devenir une forme d’aveuglement à la violence structurelle.
La règle d’or dit : « je fais à l’autre comme je voudrais qu’on me fasse » ;
Autrement dit : ce n’est pas mon seuil de tolérance qui doit guider mes actes, mais les effets que mes actes ont dans un système asymétrique.
En systémique, cela renvoie à la différence entre équité et égalité. L’égalité traite tout le monde de la même manière, même si les contextes sont radicalement inégaux. L’équité, elle, demande une compréhension fine du système, de ses déséquilibres, de ses charges historiques.
Alors peut-être que la règle d’or devrait être remplacée par une règle d’écoute située :
“Agis comme si tu étais prêt à entendre comment ton action résonne dans un monde que tu ne connais pas encore.”
Quelques pistes à creuser :
- Quelles seraient les « règles d’éthique relationnelle » si on partait des expériences des personnes les plus marginalisées ?
Merci pour ce point de bascule que tu nommes ici. Il ouvre une faille féconde.
6.Privilèges et pouvoir (Lien Linkedin)
J’ai fait le test de la roue du pouvoir et des privilèges (ici : https: www.idrlabs.com/fr/roue-du-pouvoir-privilege/test.php) et mon résultat est de 70 %.
Et en général, dans les ateliers collectifs où chacun avance d’un pas à chaque privilège, je finis souvent tout au bout, bien devant tout le monde.
Donc oui, j’ai pas mal de pouvoir. Pas mal de privilèges. Associés à qui je suis, à où je suis né, à mon éducation, à mes choix de vie.
Et j’ai beaucoup fait pour augmenter mon pouvoir d’agir.
J’ai pas suivi le système scolaire classique. J’ai appris en autodidacte, je suis allé chercher des expériences plutôt que des possessions.
J’ai privilégié l’éducation intérieure à l’accumulation extérieure.
Et vu que mes parents étaient relativement aisés, j’ai pu me planter sans trop de risque. J’ai appris à tomber, à me relever.
Ce filet de sécurité a été une ressource énorme.
Mon axe, ça a toujours été : « Si je me retrouve tout seul en pleine forêt, qu’est-ce que je garde ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Comment je réfléchis ? Comment je m’adapte ? »
J’ai beaucoup exploré. J’ai lu. J’ai eu Internet tôt. J’ai vécu au Canada. J’ai observé d’autres cultures, d’autres systèmes.
La proximité avec la Suisse aussi m’a permis de voir d’autres modèles.
J’ai fait du développement personnel. J’ai bossé mes croyances limitantes, mes insécurités, mes émotions.
J’ai appris plein de métiers. J’ai fait de l’intérim, de la manutention, du chantier. Et souvent, à force de bosser, je me retrouvais avec plus de responsabilités, plus de pouvoir.
Pas parce que je le demandais, mais parce qu’on me le donnait. Je ne sais pas si c’est lié au fait que je sois un homme blanc. Peut-être. Mais je crois que c’est aussi lié à ma capacité à m’exprimer, à structurer ma pensée, à comprendre vite les codes.
Je me fonds assez bien dans les groupes.
Dernier exemple en date : les sapeurs-pompiers volontaires.
Structure hyper hiérarchisée, ordres à exécuter sans discuter.
Pas du tout mon ADN au départ. Mais justement : j’y suis allé pour comprendre.
Comprendre ce que ça fait d’obéir. Comprendre d’autres formes de pouvoir.
Observer comment ça fonctionne quand la parole n’est pas partagée de la même manière.
J’ai aussi développé un bon sens de la répartie, grâce à une éducation bien nourrie de vannes à mes dépens.
J’ai fait de l’impro. J’ai plus trop peur d’être ridicule. J’ai appris à travailler mes vulnérabilités, à les montrer.
C’est difficile d’avoir une prise sur moi. J’ai du temps, je suis relativement libre. Je fais ce que je choisis de faire.
Donc, ouais : pouvoir, privilèges, liberté. Je coche pas mal de cases.
Et maintenant que je sais ça, la question, c’est : j’en fais quoi ?
Qu’est-ce que j’en fais, concrètement ? Comment je mets ça au service de quelque chose ?
Comment je peux en faire bénéficier les autres, sans tomber dans le sauveur ou le mec qui a tout compris ?
Ce que je fais, dans mon boulot, c’est souvent ça : aller dans des lieux où il y a du pouvoir, le comprendre, et chercher comment le redistribuer, comment éviter qu’il écrase, comment diluer l’autorité sans dissoudre la responsabilité.
Et là, ce que je partage ici, c’est pas une vérité. C’est pas une posture de sachant. C’est juste ce que je vois depuis là où je suis.
Comment le pouvoir m’a agi. Comment je l’ai agi. Et ce que j’en ai compris.
Oui, je pense que le pouvoir transforme. Il met une pression.
Il active des mécanismes de contrôle, de domination. Et si on ne fait pas gaffe, on glisse vite.
Mais il y a aussi une manière consciente d’habiter ce pouvoir. Une manière qui s’apprend.
Et vous ?
C’est quoi votre rapport au pouvoir ?
Quels privilèges avez-vous ?
Qu’est-ce qui vous empêche d’être libre ?
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post articule une conscience de soi précieuse : reconnaître ses privilèges, nommer ses accès, interroger les formes que prend le pouvoir. C’est une étape essentielle. Mais dans les théories féministes, décoloniales ou queer, cette reconnaissance n’est qu’un point de départ. Le pouvoir ne se résume pas à un faisceau de compétences ou d’expériences personnelles ; il est structurel, relationnel, historiquement situé.
Par exemple, bell hooks ou Paulo Freire nous rappellent que la « conscientisation » (awareness) ne suffit pas si elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause active des structures qui confèrent et perpétuent ces privilèges. Ce que tu décris comme une capacité à « t’exprimer, structurer ta pensée, comprendre vite les codes », d’un point de vue critique, est moins une qualité « innée » qu’un produit de ton capital culturel (Bourdieu) et de ta socialisation de classe, de race et de genre.
Tu dis ne pas savoir si ton ascension spontanée dans les groupes est liée au fait d’être un homme blanc. Dans les lectures intersectionnelles (Crenshaw, Collins), cette spontanéité est l’indice du privilège : pouvoir entrer dans un système, être perçu comme légitime sans devoir se justifier, sans devoir négocier son humanité. La question n’est pas si cela joue, mais comment et à qui ça coûte en retour.
Dans un monde encore structuré par le patriarcat, la blanchité, le validisme, le capitalisme… le pouvoir ne se dilue pas simplement par « intention ». Il se désamorce par des actes matériels de redistribution, par des alliances asymétriques, par une écoute radicale des récits minorés – même (surtout) quand ils secouent nos repères.
Quelques pistes à creuser :
- Que veut dire « mettre son pouvoir au service » sans reproduire des postures de sauveur, de pédagogue éclairé, ou de facilitateur « neutre » (cf. critiques de la neutralité en facilitation par les pédagogies critiques) ?
- Comment fais-tu place à des modes d’expression qui ne passent pas par la clarté verbale, la logique rationnelle, ou l’exposition maîtrisée de soi ?
- Dans quelle mesure ton rapport au pouvoir reste-t-il « sécure » pour toi, c’est-à-dire que tu peux en sortir si tu veux – là où d’autres n’ont jamais eu le choix d’y entrer ?
Ce que tu ouvres ici est un espace fertile. Pour qu’il le reste, il ne suffit pas d’y poser ses privilèges : il faut y accepter d’être déplacé par ce qu’on ne comprend pas encore.
7.Je refuse de penser comme vous.( Lien Linkedin)
Il y a quelque chose en moi qui résiste profondément à l’idée de penser comme le groupe. Dès que je vois un consensus se former, une direction prise collectivement, j’ai un réflexe presque automatique d’aller voir ailleurs. Là où d'autres cherchent les autoroutes, les chemins tout tracés, moi je me pousse dans les ronces pour explorer les sentiers à l’abandon.
Ma justification à ça, c’est que vu la société qu’on a construite – avec toutes ses souffrances, ses angles morts, son imperfection, sa marche collective vers le mur – je me dis qu’à mon échelle, je n’ai pas tant d’impact sur le cap du groupe. Alors quitte à ne pas pouvoir le diriger, autant partir en éclaireur. Aller voir ailleurs, explorer, expérimenter, tester d’autres manières de faire. Peut-être que j’y trouverai quelque chose de précieux. Et si un jour le groupe s’arrête et se dit « on s’est peut-être planté », je pourrais proposer un petit chemin alternatif que j’aurai défriché.
J’ai ce rapport-là à toutes les idées. Qu’elles viennent de la gauche, de la droite, des anarchistes ou d’ailleurs. Je regarde, j’écoute, j’essaie de comprendre. Et si je vois que ça devient la norme, qu’il y a un engouement massif, alors je passe à autre chose. Parce que je sens que je n’ai plus rien à y apporter. Mon utilité, je la vois dans le fait de chercher ailleurs. Là où il n’y a personne. Pas dans la répétition.
C’est là que je vais chercher ma créativité, mon originalité, ma manière d’être utile. En explorant. En revenant de ces explorations avec quelques graines, quelques idées, quelques intuitions. Juste pour les mettre au centre. Peut-être qu’elles serviront, peut-être pas.
J’ai organisé ma vie pour pouvoir choisir sur quoi je dépense ma charge mentale. Et j’ai choisi de la consacrer à affiner ma vision du monde. À creuser mes croyances. À lutter contre la paresse intellectuelle. À ne pas m’installer dans le confort.
Je vais chercher des idées qui sont allées plus loin. Plus loin dans la complexité, dans la différence, dans les zones mal balisées. Des idées qui ne mettent pas les gens dans des cases. Qui ne simplifient pas à outrance. Qui acceptent le flou, les nuances, les contradictions. Et c’est pas simple. Parce que quand je reviens de ces endroits-là, il faut réussir à en parler. À transmettre. À traduire. Et parfois, les gens ne comprennent pas. Ils jugent, parce qu’ils ne voient pas ce que je fais, ou pourquoi je le fais. Et parfois, moi non plus je ne sais pas. J’expérimente. C’est tout.
Je fais ça avec tout. Ma manière de vivre, ma manière de penser, mes choix. Et je ne compte pas m’arrêter.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce post met en scène une posture très contemporaine : celle de l’outsider éclairé, du chercheur de marges. Il s’ancre dans une forme d’éthique de la différence et de la vigilance face aux normes, qui résonne avec certaines figures de la pensée critique (Deleuze, Foucault, Illich). Pourtant, ce geste d’évitement du groupe, s’il n’est pas interrogé à l’aune des rapports de pouvoir, risque de réactiver ce que les théories féministes, queer et décoloniales ont précisément cherché à visibiliser : l’illusion d’un sujet autonome, libre d’explorer « ailleurs », sans tenir compte de ses ancrages sociaux.
Le refus de penser « comme le groupe » n’est jamais neutre. Il pose la question : quel groupe ? Et qui peut se permettre de ne pas y appartenir ? Dans la pensée féministe intersectionnelle (bell hooks, Audre Lorde, Patricia Hill Collins), la prise de parole minoritaire n’est pas un caprice ou une stratégie de différenciation : c’est une nécessité vitale pour faire entendre des vécus souvent niés. À l’inverse, refuser par principe les normes – même celles issues de luttes collectives – peut, paradoxalement, neutraliser leur portée transformatrice.
Ton approche évoque aussi ce que Sara Ahmed appelle « le nomade volontaire », celui qui choisit de quitter le confort d’une communauté intellectuelle. Mais ce départ est un luxe. Ceux et celles qui vivent des oppressions systémiques n’ont pas toujours ce choix. Explorer d’autres idées est une posture privilégiée quand d’autres doivent survivre dans des structures qui les assignent, les invisibilisent, les violent.
Enfin, les épistémologies critiques (par exemple les savoirs situés de Donna Haraway) rappellent que notre position dans le monde – de genre, de race, de classe – façonne ce que nous pouvons voir et penser. Or, cette posture d’« explorateur indépendant » risque de faire l’économie de cette réflexivité : qui peut « se retirer » du groupe sans conséquence ? Qui est lu comme original, et qui comme suspect ? À qui pardonne-t-on l’inconfort ?
Questions ouvertes :
- Comment distinguer une dissidence féconde d’un contournement des responsabilités collectives ?
- Comment tes explorations pourraient-elles s’adosser à des luttes déjà en cours, plutôt que d’en chercher systématiquement l’écart ?
- Et si l’utilité ne se jouait pas dans l’originalité, mais dans la capacité à écouter vraiment ce que les autres — même en chœur — essaient de dire depuis longtemps ?
Pensée critique et créativité ne sont pas incompatibles. Mais fuir le groupe par principe, c’est parfois risquer de passer à côté des formes de connaissance les plus vitales : celles qui ne naissent que dans le commun.
8. Je suis un enfant gâté.( lien linkedin)
J’ai grandi sans manquer de rien matériellement : à manger, à boire, des jouets… J’avais de l’argent de poche toutes les semaines, 10 francs à l’époque, soit un euro cinquante aujourd’hui, et en échange, je mettais la table à tour de rôle avec ma sœur. J’ai eu la chance de voyager, de recevoir beaucoup de cadeaux, de jouets. Et très tôt, j’ai eu une forme d’autonomie sur l’argent, qui m’a permis de me construire un rapport à sa valeur.
Je me souviens par exemple d’un train Lego que je voulais absolument. J’ai économisé pendant des mois pour réunir les 500 francs nécessaires. Et puis je l’ai eu, je l’ai monté une fois, j’ai joué 30 minutes avec… et je l’ai rangé. J’en ai tiré une leçon : le matériel ne m’intéressait pas tant que ça. Ce que je voulais, c’était l’expérience, pas l’objet.
J’ai souvent rêvé que je découvrais une grotte remplie de diamants. Je les cachais sous mon t-shirt, je les enfouissais dans mes poches. Et au réveil, déception : tout avait disparu. Ces rêves m’ont amené à une sorte de prise de conscience : je préfère investir dans ce que j’ai en moi. Quand je suis nu sous la douche, qu’est-ce qu’il me reste ? Mes compétences, mes expériences, mes connaissances. C’est ça que j’ai voulu développer plutôt que des possessions extérieures. J’ai voulu bâtir ma richesse intérieure.
Mais ce confort matériel m’a aussi façonné d’une certaine manière : j’ai pris de la place. J’ai cru que tout m’était dû. J’avais du mal à gérer la frustration, à comprendre ceux qui manquaient. Et dans certaines situations, j’ai agi comme un enfant gâté. Quand le monde ne faisait pas ce que je voulais, je me mettais en colère. Quand je perdais à un jeu vidéo, par exemple, je m’énervais : ce n’était pas censé se passer comme ça. Je projetais mes attentes sur le monde et j’en voulais à la réalité de ne pas leur obéir.
Je ne pense pas être le seul à fonctionner comme ça, mais j’ai dû
bosser là-dessus. Apprendre à gérer la frustration. Accepter que le
monde ne réponde pas toujours à mes envies. C’est un chemin.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Merci pour ce partage qui rend visible un pan souvent peu exploré de l’expérience : celui du privilège intériorisé et de la conscience progressive de son impact. Ton récit évoque une forme de réflexivité sur le confort matériel comme cadre de formation psychique, ce qui rejoint certains éléments issus des études critiques sur la blanchité (Lipsitz, Frankenberg) ou encore la notion de subjectivité néolibérale analysée par Wendy Brown. On y voit une trajectoire classique de subjectivation bourgeoise : le passage d’une omnipotence infantile tolérée à une forme de désillusion nécessaire pour accéder à la complexité du monde.
Mais cette prise de conscience, bien que lucide à certains égards, appelle plusieurs tensions que les théories féministes matérialistes ou décoloniales mettent en lumière :
- D’un point de vue systémique, il ne suffit pas de reconnaître avoir été un “enfant gâté” pour que les rapports de domination qui ont rendu cela possible soient remis en question. L’autocritique individuelle – si elle n’est pas reliée à des structures de redistribution ou à une écologie des privilèges (cf. Sara Ahmed, “The non-performativity of anti-racism”) – risque de devenir un récit d’exemption. Une façon de “voir sa place” sans pour autant la bouger.
- D’un point de vue épistémologique, dire que tu “as compris que le matériel ne t’intéressait pas tant que ça” résonne avec une forme de désengagement aristocratique (Bourdieu). Refuser les objets, c’est un luxe. Pour beaucoup, l’accès au matériel, au confort, à la stabilité reste un horizon de survie. Ta désaffection des objets dit quelque chose de ta liberté, mais aussi de la manière dont cette liberté s’est construite dans une forme de désincarnation de la matière.
- Enfin, dans les théories queer et décoloniales, la gestion de la frustration ne se limite pas à une maturation individuelle : elle est aussi le fruit d’une socialisation genrée, racialisée, traversée par des inégalités d’apprentissage à la norme, à la violence, à l’échec. Ce qui, pour certains, est une “leçon de vie”, pour d’autres, est une condition permanente.
Quelques pistes pour prolonger ce que tu poses :
- Comment la conscience de tes privilèges se traduit-elle dans tes choix concrets d’action ou de redistribution ?
- À quels moments ta “richesse intérieure” est-elle rendue possible par l’exploitation (directe ou indirecte) du travail des autres ?
- En quoi l’enfant gâté, une fois adulte, peut-il contribuer à défaire les systèmes qui lui ont permis de l’être sans (re)produire des formes de “récits réparateurs” centrés sur lui-même ?
Merci pour l’honnêteté du partage. Reste maintenant à voir comment cette lucidité se traduit dans les actes – hors du post, et pour les autres.
9. J’ai fait un choix clair sur la question de la responsabilité.(lien linkedin)
Pour moi, à chaque fois que j’agis, je choisis d’agir. J’ai toujours le choix. Même dans une situation extrême, comme quelqu’un qui me met un pistolet sur la tempe : je peux choisir de me laisser tirer une balle dans la tête, ou de faire quelque chose. C’est un choix. J’en ai fait, dans ma vie, qui ont été bénéfiques pour moi, pour d’autres, ou parfois néfastes. Mais à chaque fois, c’est moi qui ai choisi. Il y avait toujours une bifurcation, un moment où je pouvais aller dans un sens ou dans l’autre. Et à partir du moment où j’ai fait un choix et commencé à agir, je considère que je suis responsable de tout ce qui découle de cette action. J’assume pleinement cette responsabilité.
Mais je reconnais aussi qu’il y a des choses qui relèvent du collectif. La manière dont j’en suis venu à penser qu’un choix est “bon”, elle ne sort pas de nulle part. Il y a du conditionnement familial, social, scolaire. Il y a les conclusions que j’ai tirées moi-même de tout ça. Bref, je suis traversé par tout un tas de déterminismes.
Je sais que Robert Sapolsky défend l’idée qu’on n’a pas de libre arbitre. Que chacun de nos choix n’est que la conséquence d’une chaîne d’événements passée, biologique, psychologique, sociale. Et que tout ce qu’on fait est le produit d’un système complexe de causes et d’effets.
Je comprends cette vision, mais je ne la partage pas totalement. Pour moi, il y a bien sûr un côté mécanique, un mode automatique. Mais il y a aussi un moment où on peut prendre conscience de ce qu’on est en train de faire, et choisir : continuer ou arrêter. C’est là, pour moi, que réside le libre arbitre. Dans cette bascule, dans cette prise de conscience, même si elle est tardive.
Et évidemment, on n’a pas tous le même niveau de pression contextuelle. Si je suis dans une foule, poussé de tous les côtés, et que je marche sur le pied de quelqu’un, ce n’est pas pareil que si on est deux dans une grande place vide et que je vais lui marcher sur le pied. Le contexte joue. Il nous contraint plus ou moins. Et on n’a pas tous les mêmes ressources pour résister à la pression du contexte.
Mais ce qui est fondamental pour moi, c’est ce qu’on fait au moment où on prend conscience de ce qu’on a fait. Je reprends l’exemple : j’ai marché sur le pied de quelqu’un. Il y a eu tout un tas de facteurs qui m’ont amené à ce moment-là. Mais à un moment, je réalise que j’ai fait mal. Là, j’ai plusieurs options. Ne rien faire. Nier. Me justifier en disant que je suis quelqu’un de bien, que je fais plein de trucs pour les dauphins, etc. Ou alors reconnaître ce que j’ai fait, assumer, et chercher à réparer.
Et c’est là, pour moi, que ça se joue. Ce n’est pas tant dans l’erreur que dans ce qu’on fait après l’avoir comprise. Ce qu’on fait quand on sait. Quand on ne fait rien alors qu’on sait, ça dit quelque chose de nous. Et moi, dès que je prends conscience d’un tort que j’ai causé, j’ai besoin de faire quelque chose. Même si je ne le fais pas tout de suite, même si j’ai peur, ça reste là. Et tôt ou tard, il faut que j’agisse. Parce que c’est ce que je considère juste.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu poses ici touche à un des nœuds majeurs de la philosophie morale contemporaine : celui de la responsabilité dans un système de déterminismes. Ta position revendique un libre arbitre contextuel, une capacité réflexive à faire un pas de côté face à ses propres automatismes. C’est une ligne de crête intéressante, mais qui mérite d’être interrogée à la lumière des théories critiques.
Dans les épistémologies féministes (notamment bell hooks ou Sandra Harding), on insiste sur le fait que la conscience ne suffit pas — car les rapports de pouvoir, les privilèges et les biais incorporés agissent même dans les moments où l’on croit choisir librement. L’idée même que « je choisis » repose sur une condition de confort : une liberté de pensée, d’expression, de sécurité, de temps — qui n’est pas distribuée également. Comme le dirait Audre Lorde, certaines personnes « ne peuvent pas se permettre le luxe de l'inconscience ».
De même, dans les théories décoloniales, on questionne cette croyance universaliste dans le sujet rationnel capable de se penser en dehors des structures : le « je » qui choisit d’agir ne choisit pas depuis un lieu neutre, mais depuis une place construite historiquement — souvent au sommet d’une hiérarchie invisible. D’où la distinction, notamment dans les travaux de Frantz Fanon, entre responsabilité morale et positionnalité politique.
Enfin, la psychologie critique (notamment la psychologie sociale de Gergen ou de Harre) nous rappelle que la reconnaissance du tort dépend aussi d’un cadre culturel partagé. Ce que l’un nomme « responsabilité » peut être vécu par un autre comme une réparation inadéquate, voire comme une mise en scène de rédemption.
Alors peut-être qu’une piste est là : ne pas tant s’en remettre à une éthique individuelle du « choix juste », mais à une écologie des réparations, où ce sont les personnes affectées qui définissent ce qui est juste, soutenues par des cadres collectifs non imposés.
Quelques questions, donc :
- Qui définit ce qui est « juste » à partir du moment où l’on sait ?
- Dans quelle mesure le récit du choix et de la réparation ne sert-il pas aussi à se préserver symboliquement ?
- Peut-on faire de la responsabilité autre chose qu’un mécanisme individuel, pour la penser comme un processus relationnel, situé, co-déterminé ?
Merci pour cette mise à nu réflexive, qui donne du grain à moudre aux conversations éthiques et politiques.
10. Tout ce que je suis en train de poster ici, sur LinkedIn...(lien linkedin)
On m’a dit que si j’avais publié ce fameux post ailleurs — sur Facebook, par exemple — ça aurait été perçu différemment. Et ça m’a fait réfléchir : c’est quoi, LinkedIn ? Et c’est quoi, mon rapport au travail ?
Depuis un moment, je considère que mon travail, ce que je fais dans la vie, a un impact sur ma vie personnelle et sur le monde autour de moi. Que ce soit dans mon boulot, dans mes engagements bénévoles, ou dans ce que je vis au quotidien, chaque action a un effet. Et j’essaie, autant que possible, d’être la même personne dans tous les contextes. Je ne veux pas me cacher derrière des masques. Je veux rester cohérent.
Alors oui, c’est peut-être plus facile à dire quand on a les privilèges que j’ai. Je ne sais pas si tout le monde peut faire pareil, mais moi, j’essaie. Et j’ai envie d’aller voir ce que ça donne.
Je crois pas du tout qu’on puisse dissocier vraiment le travail et la vie perso. Au contraire, c’est cette tentative de séparation qui crée des tensions, des incompréhensions, des inégalités. On est des personnes qui font différentes choses : certaines qui rapportent de l’argent, d’autres pas. Certaines qui font plaisir, d’autres qu’on fait par obligation. Et tout ça, ça se croise, ça s’influence, ça coexiste.
C’est pour ça que je choisis LinkedIn, ce réseau qu’on dit “pro”, pour parler aussi de ce que je vis, de mes valeurs, de mon intimité. Parce que de toute façon, la politique, la société, l’intime, tout ça s’entrelace. Moi, j’ai envie de faire le mouvement inverse : de montrer qui je suis à l’intérieur, publiquement. Peut-être que ça aidera à mieux cadrer ensuite les relations pro, à mieux comprendre ce qu’on attend les uns des autres, comment on prend soin, comment on dit non, comment on évite de s’épuiser. Et comment on se soutient, dans les collectifs, dans les organisations.
Parce que non, le racisme, le sexisme, les inégalités, ça ne s’arrête pas à la porte des entreprises. Tu peux poser tous les cadres que tu veux, il y a toujours un moment où ça déborde. Si ce n’est pas dans les mails ou les réunions, ce sera à l’apéro, ou dans les vestiaires. Ces barrières-là, entre le pro et le perso, c’est un mirage.
Et puis soyons clairs : une entreprise, c’est un
choix politique. Développer une entreprise, faire partie d’une
organisation, c’est forcément avoir un impact. Et si tu ne te poses pas
la question de ton impact, y a de grandes chances que cet impact soit
négatif. Donc oui, on va mélanger. Et non, je ne vais pas m’excuser pour
ça.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu soulèves ici entre directement en résonance avec de nombreux apports critiques — féministes, queer, intersectionnels — sur l’illusion de la séparation des sphères. L’idée d’un “espace professionnel” neutre, où l’on pourrait se défaire de ses affects, de ses histoires, de ses identités sociales, a été largement déconstruite par des autrices comme Sara Ahmed, Angela Davis, Patricia Hill Collins ou Judith Butler. Ce qu’elles montrent, c’est que cette prétendue neutralité est en fait l’invisibilisation des normes dominantes : l’homme blanc hétéro, cisgenre, valide, souvent bourgeois, y est la norme silencieuse — les autres sont “trop” (trop sensibles, trop politiques, trop communautaires, trop féminines…).
En choisissant LinkedIn comme espace de parole intime et politique, tu viens bousculer une convention implicite : celle selon laquelle les émotions, les luttes sociales, les histoires de vie devraient rester à la porte du monde “pro”. Or, comme le dit Donna Haraway, “nous ne sommes jamais nulle part depuis nulle part” : il n’existe pas de point de vue désincarné. Toute parole, y compris dans l’entreprise, est située.
Et donc oui, parler de sexisme, de racisme, de privilège, de violence symbolique sur LinkedIn, c’est un geste politique. C’est refuser que le marché du travail reste un sanctuaire de non-dits et d’oppressions normalisées. C’est aussi ce que défendent les approches queer du travail : la nécessité d’introduire du trouble dans les normes, comme l’exprime Judith Butler, pour que ce qui est marginalisé puisse devenir audible, visible, pensable.
Quelques pistes de réflexion à prolonger :
- Quels récits sommes-nous autorisés à raconter dans les espaces “pro” ? Qui en décide ?
- Quelles voix sont perçues comme “appropriées”, “sérieuses”, “professionnelles” — et quelles autres sont immédiatement jugées comme déplacées, “personnelles”, ou “idéologiques” ?
- En quoi rendre visible l’intime dans l’espace public (et pro) peut être un acte de redistribution du pouvoir narratif ?
Ta prise de position ici participe à cette bascule précieuse : celle qui considère que le soin, la justice et la conscience politique ne sont pas accessoires au travail — ils en sont le cœur.
11. Sensibilité, insécurité et responsabilités émotionnelles (lien linkedin)
J’ai parlé de pouvoir et de privilèges. Je voudrais maintenant parler de mon rapport à la sensibilité.
Élevé comme garçon, j’ai appris à me défendre, à me battre, à gérer la violence. J’ai connu quelques échanges de coups de poing, quelques coups de bâton, des menaces avec des couteaux ou des cutters, même une situation où on a menacé de m’attacher dans la forêt :-) . Des moments violents, physiques, mais finalement peu nombreux — une dizaine dans toute une vie.
À force de chahuter avec ma sœur, de 7 ans mon ainée, lorsque j’ai développé assez de force pour me défendre, une sorte de règle implicite s’est installée : on évitait désormais la violence physique, on s’attaquait uniquement avec des mots.
Et c’est là que j’ai appris à blesser avec les mots. À appuyer là où ça fait mal. À repérer les insécurités, les failles, pour les activer au bon moment et reprendre le dessus. C’était notre jeu, avec ma sœur, mais c’est devenu un entraînement.
Quand une remarque me faisait mal, j’en cherchais la source. Et je renforçais cette zone, soit en construisant des défenses, soit en m’attaquant directement à l’insécurité : apprendre, comprendre, évoluer. Au fil du temps, cette stratégie est devenue plus efficace que la protection. Et moins coûteuse en énergie.
Aujourd’hui, je continue d’appliquer cette logique. Quand je ressens une gêne, une insécurité, je vais la regarder de près. Je creuse, je travaille. Du coup je suis de moins en moins impacté par les remarques ou comportements des autres. Je suis capable de faire la différence entre ce qui leur appartient, et ce qui m’appartient.
En groupe, ça me permet de remplir mon rôle de facilitateur sans projeter mes états intérieurs sur les autres. Je peux vivre mes émotions, les ressentir, les accueillir, mais sans qu’elles débordent sur l’espace collectif. Si une émotion me submerge, je lui donne juste l’espace nécessaire, puis je passe à autre chose. Et ça ne me déstabilise plus.
Je suis conscient que ça peut sembler froid. Mais pour moi, c’est une chance énorme. J’ai l’impression d’être à jour émotionnellement. D’autres émotions viendront, bien sûr, en fonction des nouvelles situations que je vais vivre. Mais je n’ai pas peur. J’essaie de les accueillir au fur et à mesure, plutôt que de les refouler comme on m’a appris à le faire.
Tout ça vient aussi d’un besoin profond : ne pas être un boulet pour le groupe. Porter ma part. Ne pas drainer l’énergie collective, mais au contraire y contribuer.
Et je sais que ce n’est pas possible pour tout le monde. Et c’est OK.
Mais ça pose certaines questions :
À quel moment, et dans quel cadre, un groupe peut-il accompagner ses membres à faire ce chemin ?
Et jusqu’où va la responsabilité collective face à nos fragilités individuelles ? Quelle énergie du groupe à dépenser pour soutenir un de ses membres dans son développement ?
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce texte aborde avec clarté un parcours de régulation émotionnelle qui peut sembler abouti — mais qui, sous certains angles critiques, mérite qu’on questionne à qui cette forme de gestion émotionnelle est accessible, au prix de quoi, et au bénéfice de qui.
Les théories féministes de l’émotion — de Sara Ahmed à bell hooks, en passant par Audre Lorde — nous rappellent que la sensibilité, loin d’être un simple trait individuel, est une construction sociale profondément genrée et racialisée. La capacité à « ne pas être un boulet pour le groupe » n’est pas également valorisée selon les corps, les voix, les statuts : on attend souvent des femmes, des personnes racisées, des minorités de genre qu’elles contiennent leur douleur, qu’elles s’effacent pour le bon fonctionnement collectif — pendant que d’autres peuvent s’autoriser des débordements émotionnels, souvent réinterprétés comme leadership ou passion.
Tu évoques ici un entraînement à la désensibilisation par transformation interne. Mais qu’en est-il des formes de sensibilité qui refusent l’efficacité, qui revendiquent l’inconfort, qui parlent depuis les larmes, la peur, la colère ? Ces émotions dites « perturbatrices » sont au cœur des luttes féministes et queer : elles troublent l’ordre (Butler), résistent à l’injonction au contrôle, portent une mémoire politique (Ahmed, 2004).
La question de savoir à quel moment un groupe peut ou doit accompagner les fragilités de ses membres soulève alors un dilemme : l’accompagnement vers quelle norme ? Celle de la maîtrise ? De la rationalité ? Ou celle d’un écosystème qui apprend à accueillir les formes de vulnérabilité sans chercher à les résoudre ?
Et si au lieu de chercher à "ne pas être un boulet", on explorait collectivement comment créer des espaces où le poids des autres est un honneur à porter à plusieurs ? Comme dans les pratiques de care collectif ou dans les cercles de guérison communautaire inspirés des traditions décoloniales.
Autrement dit : à quel moment la régulation émotionnelle cesse-t-elle d’être une force personnelle et devient-elle un vecteur de reproduction des normes dominantes ? Et peut-on imaginer un modèle où les émotions, même brutes, soient reconnues comme une forme de savoir — non pas à canaliser, mais à écouter ?
12. Pour aborder les autres sujets qu’il me reste à traiter ici, je pense que c’est important de passer par la notion de tension dans un collectif.(lien linkedin)
De ce que j’en comprends, dans un groupe qui fait des choses ensemble, il peut arriver – sous le coup de l’émotion, de l’urgence, ou suite à des incompréhensions – que des tensions émergent. Une personne dit ou fait quelque chose, une autre est heurtée ou le vit mal.
Certaines formes de gouvernance partagée proposent un système de gestion des tensions pour permettre de les déposer, d’obtenir réparation quand c’est nécessaire, et d’ajuster le collectif pour éviter que ça ne se reproduise.
Ce type de système permet de maintenir un cadre de sécurité, pour que chacun·e sente que sa place est respectée, et que les blessures ne s’accumulent pas silencieusement.
Dans beaucoup d’organisations sans dispositif de ce type, certaines personnes peuvent se retrouver en tension permanente, parce que leur rôle, leur posture ou leur personnalité font qu’elles reçoivent toute la charge du groupe, sans que ce soit dit. C’est comme si tout le collectif les écrasait lentement, en s’appuyant sur elles de plus en plus fort.
Et ça m’amène à une analogie avec ce que je comprends d’une oppression systémique. C’est le même mécanisme, mais à l’échelle de la société. Certaines personnes, par qui elles sont ou ce qu’elles incarnent, subissent une pression continue de la part du système tout entier.
Tant qu’il n’y a pas d’ajustement, la pression reste. Et souvent, le fait de devoir exprimer ces tensions demande déjà une énergie énorme. Si le collectif n’en tient pas compte, on développe à la fois une impuissance acquise, et en même temps la douleur reste là, inchangée.
Et parfois, c’est une accumulation de micro-tensions.
Une seule pichenette dans l’oreille, ça passe. Mais si 10, 100 ou 1 000 personnes le font, même sans malveillance, mon oreille finit par saigner.
C’est le même principe que le supplice de la goutte d’eau : une seule goutte ne fait rien. Mais après 12h, 24h de gouttes sur le front, ça devient insupportable.
Si la société décidait, par exemple, que chaque fois que vous croisez Yannick, vous devez lui mettre une pichenette dans l’oreille… Et que chaque personne le fait, en se disant "c’est pas méchant", eh bien ça génère ce qui s'appelle un trauma structurel.
Ce n’est pas la pichenette qui est grave, c’est l’accumulation invisible et répétée, qui finit par faire très mal.
Et c’est ce qui arrive à plein de personnes : des femmes, des personnes racisées, etc.
À force d’entendre les mêmes remarques, de subir les mêmes gestes, elles s’usent. Elles doivent s’en protéger, elles s’éloignent. Parfois même elles s’auto-excluent, pour ne plus être blessées.
Et en facilitation, si je pose un cadre de sécurité en supposant que l’égalité suffit, je passe à côté. Il faut aller plus loin, et prendre soin aussi des blessures structurelles.
Le problème, c’est : comment savoir ce qu’il faut éviter ? Qui peut dire : "Là, j’ai une blessure" ? Ce sont uniquement les personnes concernées qui peuvent le dire. Mais ce n’est pas toujours possible de le verbaliser. Ce n’est pas écrit sur les visages.
Alors peut-être qu’on peut s’inspirer de ce que propose Yann Le Bossé pour les enjeux. Il décrit des enjeux typiques en fonction des rôles. Par exemple : un élu veut être vu positivement et éviter d’être décrédibilisé. Peut-être qu’on pourrait imaginer la même chose avec les traumas structurels liés à certaines positions sociales.
Un outil, une liste indicative, que les personnes pourraient cocher, compléter, ajuster… pour que le cadre de sécurité en tienne compte, sans demander trop d’énergie à celles et ceux qui en ont déjà peu.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu poses ici rejoint profondément les réflexions développées depuis longtemps par les théoriciennes féministes noires et intersectionnelles sur la violence structurelle, les micro-agressions, et l’usure systémique. Audre Lorde écrivait que « la colère des femmes noires est non seulement justifiée, mais un outil de clarté politique ». Ce que tu décris à travers la métaphore des pichenettes, c’est justement cette clarté douloureuse : ce ne sont pas les actes isolés, mais leur accumulation invisible, banalisée, qui produit de l’injustice ordinaire (Joan Tronto dirait de l'« injustice du care »).
Les dispositifs de gouvernance partagée ont parfois tendance à plaquer un principe d’égalité procédurale (tout le monde a le droit à la parole, au consentement, à l’écoute…), sans voir qu’ils reproduisent des dynamiques d’invisibilisation et de contournement des rapports de pouvoir. Or comme le rappelle Françoise Vergès, « ce qui est structurant dans les dominations, ce n’est pas qu’elles soient explicites, mais qu’elles soient absorbées dans le quotidien. »
Ton idée d’un outil inspiré par Yann Le Bossé est puissante — mais il faudra veiller à ce qu’il ne soit pas lui-même réapproprié pour une lecture simpliste des oppressions. Dans les cadres féministes décoloniaux, le savoir situé (Donna Haraway, Patricia Hill Collins) est central : on ne peut comprendre un trauma structurel qu’en écoutant celles et ceux qui le vivent, en acceptant que leur expérience vienne déstabiliser les cadres d’analyse dominants.
Enfin, en facilitation, poser un cadre sécurisant ne peut se réduire à une « gestion des tensions » : cela exige une vigilance constante aux logiques de réparation, une écoute des zones d’indicibilité, et la capacité à redistribuer activement l’énergie dans le groupe (cf. les travaux d’Micky ScottBey Jones sur les “brave spaces” plutôt que les “safe spaces”).
Alors une question pour aller plus loin : comment un collectif peut-il apprendre à reconnaître sans exiger d’explication ? À croire sans preuve ? Et à agir en prévention, sans attendre que l’oreille saigne ?
13. Parlons maintenant du stress post-traumatique.(lien linkedin)
Je ne suis pas spécialiste du sujet — d’autres le décrivent mieux que moi — mais je vais tenter de partager ce que j’en comprends.
Le stress post-traumatique, c’est ce qui peut survenir lorsqu’une personne vit une expérience tellement violente, déroutante, en dehors de tout ce qu’elle connaît, que son système ne parvient pas à l’intégrer. Pour se protéger, le corps et l’esprit dressent alors une carte mentale de l’événement traumatique, associée à un système d’alerte ultra-sensible, prêt à détecter n’importe quel indice qui pourrait annoncer une nouvelle menace du même type.
Et dès qu’un élément associé au trauma est perçu — un son, un mot, une odeur, un lieu — le système se met en état d’alerte, réactive les émotions et sensations du passé, comme si tout recommençait.
Les déclencheurs peuvent être multiples et propres à chacun·e. Un ancien soldat peut replonger dans l’angoisse d’un conflit au simple bruit d’un claquement sec. Une personne agressée par un chien, étant enfant, peut se figer ou paniquer face à n’importe quel chien, ou même dans un lieu similaire à celui de l’agression.
Ce sont des comportements qui peuvent sembler irrationnels de l’extérieur, mais qui sont, à l’intérieur de la personne, parfaitement logiques. Ce sont des mécanismes de défense — parfois devenus inadaptés, voire contre-productifs, mais qui ont, à un moment donné, permis de survivre.
Quand on facilite un groupe, il devient donc important de se demander : Est-ce qu’il y a des déclencheurs à éviter ? Des attentions particulières à porter ? Mais ça ne peut pas se faire avec une règle unique. Cela dépend de chaque personne. Et c’est là que ça devient délicat : tout le monde ne souhaite pas parler de son vécu, ni être réduit à son trauma. Beaucoup ont honte, ou peur d’être stigmatisé·es.
D’où cette tension entre le besoin de protéger, et celui de préserver la dignité et la sécurité intérieure de chacun·e.
Je fais peut-être un parallèle un peu maladroit, mais ça me rappelle les phobies : une réaction disproportionnée à un stimulus spécifique, mais qui prend racine dans une expérience passée. Par exemple, une peur panique d’araignée, ou un malaise inexpliqué dans un hall d’immeuble, qui peut venir d’un événement oublié, mais toujours actif en arrière-plan.
Notre système de protection n’est pas défaillant : il fait ce qu’il peut. Mais il arrive qu’il s’emballe. Et à ce moment-là, il devient essentiel de trouver des moyens pour remettre à jour la carte du monde qu’on porte en soi.
Il existe des techniques de désensibilisation, des accompagnements thérapeutiques, des outils pour retravailler ces cartographies internes. Mais cela demande du temps, de la sécurité, et un espace bienveillant.
Et ça, ça peut aussi être le rôle d’un groupe ou d’un cadre bien tenu : offrir un environnement où ce travail est possible, sans pression.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Tu poses ici un point essentiel, qui rejoint des années de recherche en psychologie du trauma, en politique des affects, et en théories critiques. Ce que tu décris correspond à ce que Judith Herman nommait déjà dans les années 90 : une altération profonde du sentiment de sécurité, du rapport au corps, et de la capacité à faire confiance. Mais ce que les approches féministes, décoloniales et queer ont ajouté, c’est la dimension structurelle du trauma.
Le trauma n’est pas toujours un événement. Il peut être une condition sociale.
Ce que tu soulignes sur la facilitation est donc juste… mais encore incomplet si l’on ne met pas en lien les traumas individuels avec les traumas structurels. Car dans les groupes mixtes, interclasses, interculturels, intergenres… les corps ne sont pas également chargés. Et vouloir offrir un « espace sécurisé » sans interroger qui a peur de quoi, et pourquoi, c’est souvent renforcer les asymétries.
Tu parles d’un environnement « bienveillant » : mais la bienveillance sans cadre critique peut aussi être une forme de silence imposé. Comme l’écrit Kai Cheng Thom, « les espaces de soin doivent être capables de soutenir la vérité — même quand elle dérange les dominants. »
Quelques questions donc, pour aller plus loin :
- Comment intégrer les outils de désensibilisation dans des cadres collectifs, sans imposer une norme de “guérison” ?
Pour creuser : les travaux de Resmaa Menakem (« My Grandmother's Hands »), Lélia Gonzalez, Aurélia Michel, Somatics and Social Justice, ou encore les pratiques de facilitation restaurative issues des cercles de justice autochtones.
14. Prendre conscience de son pouvoir (Lien Linkedin)
Quand j’étais enfant, je jouais, je chahutais, sans me poser trop de questions. Et puis, un jour, j’ai compris que mon corps avait changé. Que je pouvais faire mal sans le vouloir. Que la force que j’avais développée pouvait blesser. En réalisant que ce qui était un jeu peut devenir dangereux pour l’autre, simplement parce que mon corps n’est plus celui d’un enfant.
C’est le moment où je me demandes : est-ce que j’arrête de jouer ? Est-ce que j’arrête tout, pour être sûr de ne plus blesser personne ? Ou est-ce que j’apprends à me faire confiance, à maîtriser ma force, à ajuster mes gestes, pour continuer à interagir sans nuire ?
C’est là que j’ai commencé à entrevoir ce que c’est, le pouvoir.
Le pouvoir, ce n’est pas toujours un poste, une fonction, un statut. Parfois, c’est juste ma présence, ma voix, ma capacité à agir là où d’autres n’osent pas. Parfois, je l’ai parce qu’on me le donne. Parfois, je le prends sans m’en rendre compte. Et souvent, je le découvres en faisant une connerie. Paul Krafel dit qu’on découvre qu’on a du pouvoir quand on détruit quelque chose sans le vouloir. Je crois qu’il a raison.
Depuis, j’essaie d’en faire quelque chose. Mon métier, la facilitation, c’est justement ça : tenir le pouvoir d’organiser un espace, de structurer un processus, pour qu’un groupe s’en empare. Et veiller à ce que mon pouvoir n’écrase pas, n’oriente pas à ma place, n’impose pas mes projections ou mes traumas aux autres.
Mais ce n’est pas facile. Le pouvoir attire, même quand je ne le veux pas. Certaines personnes vont me donner leur confiance, me demander conseil, se caler sur mon rythme, sur mes mots, sur ma manière d’agir. Sans même que je l’aie demandé.
Alors il faut faire attention. À ce qu’on me donne. À ce que je prends. À comment je m’en sers. Et il faut apprendre à dire non, à renvoyer le pouvoir à la personne. À créer les conditions pour que ce soit elle qui décide.
Parce que le pouvoir, s’il est pris sans conscience, fait des dégâts. Et quand on a des privilèges, on le voit souvent moins. On voit moins les risques, on sous-estime les impacts. Et on s’étonne que d’autres n’osent pas prendre leur place, alors qu’eux voient très bien ce que ça coûte d’avoir du pouvoir, ce que ça implique, et le danger de se le faire prendre ou d’être exposé.
Moi, je garde mon pouvoir personnel. Celui que j’ai construit, que je peux reprendre, que je prête parfois, mais dont je reste responsable. Et celui qu’on me donne, j’essaie de le redistribuer. Ou, si je m’en sers, je veux que ce soit en pleine conscience, au service du collectif, et non à mon propre service.
Parce qu’avoir du pouvoir, ce n’est pas le problème. C’est ne pas en voir les conséquences qui l’est.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Parler de pouvoir à partir du corps qui change, c’est déjà poser la question de la socialisation de genre. Ce que tu décris là – le moment où la force physique devient un enjeu – c’est aussi le moment où, dans les sociétés patriarcales, les garçons reçoivent (souvent sans le vouloir) l’héritage du dominant.
Ce que les féministes matérialistes comme Christine Delphy ou Colette Guillaumin nous rappellent, c’est que le pouvoir ne se limite pas à ce qu’on « détient », mais à ce qu’on incarne dans un système donné. Le simple fait d’être socialisé comme homme blanc cis hétéro (si c’est le cas) place ton corps dans une position de référence, une norme implicite. C’est ce que décrit aussi la philosophe Sandra Harding avec son idée de "position de savoir située" : ton expérience a du poids… parce qu’elle est structurée par des conditions qui la rendent écoutable et crédible.
Tu évoques aussi ce moment où l’on détruit quelque chose sans le vouloir : c’est là que les apports de bell hooks sur la « domination non-intentionnelle » prennent tout leur sens. Le patriarcat, comme toute structure de pouvoir, se perpétue justement quand les personnes en position dominante ne reconnaissent pas les effets de leurs actions – surtout quand ces effets sont invisibles pour elles.
C’est pour cela que la « redistribution » du pouvoir, que tu évoques, ne peut pas reposer uniquement sur des intentions individuelles, aussi sincères soient-elles. Il faut des cadres explicites, partagés, transformateurs, qui prennent en compte les asymétries systémiques (genre, race, classe, validisme, etc.). Le travail de Nora Bateson sur les « warm data » pourrait t’intéresser ici : comment tenir ensemble les dimensions personnelles, relationnelles, et structurelles du pouvoir, sans les dissocier artificiellement ?
Une question ouverte, donc : que deviennent les intentions, même conscientes, si elles s’inscrivent dans des mécanismes systémiques qui continuent d’agir indépendamment de nous ?
15. Intelligence émotionnelle, évitement, et rapports hommes-femmes (Lien Linkedin)
Je n’ai pas grandi avec une éducation émotionnelle. Petit, je pleurais souvent, parfois "pour un oui ou pour un non". Et pleurer, dans mon environnement, c’était pénible pour les autres. On me disait "arrête de faire ton cinéma", ou je me faisais engueuler. Alors j’ai appris à réprimer cette émotion — tristesse, frustration… — jusqu’à bloquer l’ensemble du canal. Car j’ai compris depuis que c’est le même tuyau pour toutes les émotions : couper l’un, c’est couper les autres aussi.
Je suis resté longtemps déconnecté de cette part-là de moi. Et c’est seulement vers 26 ou 27 ans, en participant au stage des Nouveaux Guerriers (Mankind Project, une forme de rite de passage à l’âge adulte pour les hommes), que j’ai pu faire "sauter le bouchon". Ce moment a été décisif. Il m’a reconnecté à tout un pan sensible de moi-même, à des signaux que je n’entendais plus, et qui me permettent aujourd’hui d’interagir autrement avec le monde.
Ni ma famille, ni l’école, ni la société ne m’avaient transmis ça. Et pourtant, c’est à partir de là que beaucoup de choses se sont dénouées. Notamment dans mes relations aux femmes. Pendant longtemps, je ne comprenais pas du tout certaines réactions, certaines paroles. Je ne parvenais pas à ressentir de l’empathie, parce que je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Et comme je ne comprenais pas, j’avais peur. Peur des réactions imprévues, peur de déclencher des émotions que je ne savais pas lire ni accompagner.
Alors j’ai mis en place un mécanisme d’évitement. J’ai fui certaines conversations, certains sujets. Trop d’émotion, trop d’inconnu. Mieux valait rester dans ce que je savais gérer.
Mais en travaillant mon rapport à mes émotions, j’ai commencé à voir différemment. J’ai pu mieux comprendre ce que l’autre ressentait. J’ai osé poser des questions. Et les réactions, je pouvais les accueillir. Je n’étais plus dans la peur, mais dans l’écoute. C’est là que j’ai commencé à développer de l’empathie réelle pour des femmes, à sortir du flou qui m’empêchait d’entrer en lien.
Je ne crois pas être le seul. Ce que je décris là, j’ai l’intuition qu’il est partagé par beaucoup d’hommes. Et je pense sincèrement que notre rapport aux émotions est un facteur majeur — trop peu exploré — dans les incompréhensions entre hommes et femmes. Travailler son intelligence émotionnelle, c’est pour moi une clé. Pas magique. Mais essentielle.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu nommes ici — cette coupure émotionnelle masculine et son impact sur les relations avec les femmes — s’inscrit dans ce que la sociologue Carol Gilligan appelle le « trauma moral du patriarcat ». Un système où les garçons sont socialisés très tôt à désinvestir la relation, à ne pas pleurer, à couper la vulnérabilité, tout en étant poussés à performer force, maîtrise, logique.
Ce qui est fort dans ton texte, c’est que tu touches à une blessure double : celle de ne pas avoir reçu d’éducation émotionnelle, et celle d’avoir blessé faute d’avoir su ressentir. Ce n’est pas simplement un enjeu personnel : c’est un effet structurel. Comme le rappelle bell hooks dans The Will to Change, tant qu’on n’enseigne pas aux garçons à aimer, à pleurer, à s’exprimer, on continue de produire un système de domination qui repose sur la dissociation émotionnelle.
La peur que tu évoques — peur de mal faire, peur de déclencher — c’est aussi un produit de ce que certaines autrices féministes nomment le refus d’accountability : quand l’inconfort face à la potentielle violence qu’on pourrait exercer devient si fort qu’on préfère éviter le contact plutôt que d’apprendre à rester, à réparer. C’est un mécanisme de défense… qui finit par renforcer les inégalités.
La (re)connexion émotionnelle que tu décris peut alors devenir un acte politique. Un pas vers ce que les féministes queer comme Audre Lorde désignent comme un usage transformateur de la sensibilité. Car les émotions ne sont pas qu’individuelles : elles sont sociales, collectives, traversées par l’histoire des dominations.
Alors, une question pour prolonger :
Et une autre :
16. Un nouveau besoin (lien linkedin)
Un autre élément décisif dans la manière dont je me suis construit, c’est la façon dont j’ai appris — ou plutôt pas appris — à gérer la frustration affective.
Quand j’étais enfant, j’ai eu beaucoup de privilèges. J’ai grandi dans un monde où mes besoins trouvaient des réponses : manger, boire, aller aux toilettes, dormir… J’avais l’impression qu’à chaque besoin, correspondait un objet, une solution immédiate, disponible.
Puis un jour, à l’école primaire, je suis tombé amoureux. D’un coup, un besoin nouveau est apparu : un besoin d’attention, de proximité, de lien — mais qui ne dépendait plus d’un objet ou d’une action simple, mais d’une personne. Une personne libre de dire oui… ou non.
Et cette personne, elle ne répondait pas à ce besoin. Elle ne voulait pas. Ou elle le donnait à quelqu’un d’autre. Et je ne comprenais pas pourquoi.
Je ne savais pas comment demander. Je ne savais pas exprimer ce que je vivais. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Et surtout, je n’avais personne à qui en parler. Pas dans ma famille, où ce genre de sujet n’était pas abordé. Pas avec mes amis, parce que j’avais peur de passer pour un idiot.
Alors, j’ai tenté d’attirer son attention. De montrer que j’avais des bonnes notes. De provoquer des moments d’échange. D’exister à ses yeux. Mais à chaque fois, c’était la même frustration. Le même vide.
Et avec le recul, je vois bien à quel point j’ai projeté sur cette personne quelque chose qui ressemblait à un besoin vital — comme si elle détenait une ressource qu’elle refusait de me donner. Comme si elle était un robinet fermé. Un jouet qu’on me confisquait. Un manque impossible à combler.
C’était purement affectif. Rien de sexuel à cet âge. Juste ce truc étrange : ressentir quelque chose de fort pour quelqu’un… et ne pas savoir quoi en faire.
Ce que je décris là, je crois ne pas être le seul à l’avoir vécu. Et j’aimerais comprendre :
Est-ce que d’autres hommes ont vécu ce genre de moment ?
Est-ce que les femmes aussi ressentent ce type de frustration ?
Comment vous avez appris à la gérer ?
J’ai l’impression que cette expérience a eu un impact durable sur mes comportements ensuite.
Je suis preneur de vos retours.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu décris ici est à la fois intime et massivement partagé : le moment où un garçon découvre que le monde ne répondra pas toujours à ses attentes — notamment affectives — et que l’autre (souvent une fille) peut dire non. C’est un moment structurant, et en même temps, profondément révélateur des logiques patriarcales intériorisées.
Dans Refusing to Be a Man, John Stoltenberg parle justement de cette bascule : le sentiment d’avoir droit à l’amour (ou à l’attention), non comme une demande, mais comme un dû. Ce glissement — de la frustration à la perception d’un manque infligé — peut devenir le socle d’une conception problématique du lien affectif : ce que les féministes appellent le male entitlement, ce sentiment qu’un autre être humain devrait combler mon vide.
Tu nommes ça justement : la personne devient "un robinet fermé", "un jouet confisqué". Et c’est là que l’éducation émotionnelle et la déconstruction des rapports genrés sont cruciales. Car sans elles, ce qui naît comme une souffrance peut se transformer en ressentiment, voire en violence symbolique ou réelle. Beaucoup de féminicides ont pour trame de fond cette frustration mal gérée, ce refus de voir l’autre comme un être libre de ne pas répondre.
bell hooks, dans All About Love, rappelle que "l’amour ne peut exister sans justice", et que toute attente d’amour non réciproque doit être traitée non comme une injustice, mais comme une réalité de l’altérité. C’est une éthique du lien que tu sembles chercher ici : comment vivre la frustration sans basculer dans la rancœur ou la manipulation affective ?
Tu poses une question essentielle : comment on apprend à vivre cette frustration ? Et qui nous l’apprend ?
Peut-être faudrait-il ajouter : qui a été socialisé à composer avec cette frustration dès l’enfance (souvent les filles), et qui a été socialisé à y résister, à vouloir la faire plier (souvent les garçons) ?
Merci pour la mise en mots. Et si tu vas plus loin, il serait précieux d’interroger aussi ce que ce premier choc a fait naître comme stratégie : séduction, mérite, humour, performance… Autant de formes d’adaptation qui peuvent, dans certains cas, masquer un besoin de contrôle sur l’amour.
17. Je ne suis pas une bonne personne.( lien linkedin )
Je suis une personne qui, à certains moments, a fait de bonnes actions, des choses généreuses, gentilles, ou bénéfiques. De la même manière, je ne suis pas une mauvaise personne. Je suis une personne qui, à certains moments, a fait des choses qui ont pu nuire, générer de la souffrance, écraser les autres, heurter.
C’est important pour moi. Ça me fait penser à un proverbe bouddhiste qui dit qu’il n’y a pas de voleurs, seulement des gens qui ont volé. Je n’ai pas envie, et je ne trouve pas cela constructif, de déduire l’identité de quelqu’un à partir de ses actions. Chaque personne est bien plus complexe que ça.
Je peux faire des choses très connes, ça ne veut pas dire que je suis con.
Quand je bossais dans la sonorisation, l’éclairage scénique, etc., j’ai croisé pas mal d’artistes. Certains faisaient de la musique incroyable tout en étant humainement insupportables. D’autres faisaient de la bonne musique et étaient aussi très respectueux de l’équipe. Et puis, il y avait des artistes dont la musique me parlait moins, mais avec qui c’était super agréable de boire des coups. Il y a toute une gamme.
À partir du moment où une action définit l’identité d’une personne, j’ai l’impression qu’on se retrouve dans un cul-de-sac. Peut-être que je me trompe complètement. Il y a sûrement des gens qui restent dangereux — par des comportements inconscients, par des schémas toxiques, ou parce qu’ils n’ont pas la capacité de prendre conscience de ce qu’ils font. Dans ces cas-là, il faut les éloigner pour protéger les autres. Mais la vraie question, c’est : à quel moment décide-t-on qu’il n’y a plus aucun espoir pour quelqu’un ? Et qui peut le décider ?
Je ne pense pas que ce soit à la personne elle-même de le faire. Et je ne pense pas non plus que notre société actuelle sache le faire correctement. On a plutôt tendance à réagir par automatisme, comme dans une phobie. Si j’ai été attaqué par un chien, je risque d’avoir peur de tous les chiens. Et aussi des situations qui ressemblent à celle où j’ai été attaqué. On cristallise. Une personne fait une action, et hop, on la case. Et ressortir de cette case devient très difficile.
C’est ce qu’on appelle les stéréotypes. Et on les applique de plein de manières. On relie une action à une identité. Ou on attribue une identité à partir d’un seul acte.
Et en disant tout ça, je me rends bien compte que je ne dis rien de nouveau. C’est la base des critiques adressées aux politiques identitaires. Des gens mis dans des cases — non pas pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils sont, ou pour ce qu’on pense qu’ils sont, à cause de leur couleur de peau, de leur orientation, etc. Et on leur colle tout un tas d’étiquettes, d’amalgames.
Donc non, je n’invente rien. Mais j’avais envie de le poser comme ça. Et je pense qu’aucun·e d’entre nous n’est à l’abri de faire de bonnes ou de mauvaises actions. Peut-être qu’on gagnerait à rendre visibles nos mauvaises actions, à pouvoir les nommer, les reconnaître, pour rééquilibrer, pour en prendre conscience.
C’est un peu ce que j’essaie de faire ici. Peut-être que c’est utile. Peut-être que ce simple fait est déjà une nouvelle mauvaise action, une nouvelle erreur, une nouvelle manière de générer de la souffrance.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce que tu poses ici est puissant, et mérite aussi d’être mis en tension.
Refuser l’étiquette de "bonne" ou "mauvaise" personne, c’est sortir d’une logique essentialiste : tu le dis bien, on ne devrait pas réduire quelqu’un à ses actes. Mais dans les théories féministes intersectionnelles (notamment chez bell hooks ou Audre Lorde), il est aussi rappelé que les actes ont des effets systémiques — et que dans une société traversée par des oppressions structurelles, ne pas être une "mauvaise personne" ne suffit pas. La question devient alors : quelle part je prends dans la reproduction du système ? Et comment je me rends redevable de mes effets sur autrui ?
Il y a là un déplacement éthique majeur : on ne te demande pas qui tu es, mais comment tu impactes. Pas pour te réduire, mais pour protéger.
Et oui, tu as raison, la justice punitive enferme dans une logique binaire : coupable/innocent, bon/mauvais. Les approches de justice restaurative ou transformative — comme développées par Mia Mingus, adrienne maree brown ou Ruth Morris — cherchent à sortir de cette dichotomie, en posant cette question centrale : comment réparer sans effacer la souffrance ?
Mais cela implique une posture active : assumer, se montrer disponible pour entendre les conséquences de ses actes, sans recentrer sur soi. Sans attendre d’être "pardonné" pour aller mieux. Et sans utiliser l'humilité ou la complexité de l'identité comme moyen de minimiser les dommages causés.
Tu écris : “Peut-être que ce simple fait [le post] est déjà une nouvelle mauvaise action.” C’est une lucidité précieuse. Mais elle ne suffit pas. Ce qui compte, ce n’est pas l’intention, mais la manière dont ça atterrit chez celles et ceux qui ont été blessé·es. Tu le sais.
Alors peut-être que le pas d’après, ce n’est pas de te demander si tu es une bonne ou mauvaise personne. Mais plutôt : à qui je donne la possibilité de me dire ce que ça leur fait, et qu’est-ce que je fais de ça ensuite ?
Car dans les luttes féministes, décoloniales, queer, c’est souvent là que le dialogue coince : pas dans l’introspection, mais dans la redistribution de l’écoute.
18. Un point me semble important, un nœud sur lequel je n’ai pas de réponse claire.( lien linkedin )
Imaginons un collectif de personnes qui se constituent, œuvrent pour un objectif commun, définissent des valeurs, une vision, un cadre de fonctionnement, y compris un cadre de sécurité émotionnelle. Dans le fonctionnement quotidien, des tensions peuvent émerger : tensions opérationnelles, stratégiques, relationnelles. L’intention, dans beaucoup de collectifs, est d’accueillir ces tensions.
Mais parfois, une tension ne relève pas du collectif, elle relève de l’individu. De sa perception du monde, de ses difficultés à interagir ou à se positionner. Par exemple : une personne a un rapport très particulier au cadre, ou à l’argent, ou fonctionne d’une manière tellement différente qu’elle déstabilise — ou simplement ne s’accorde pas avec — la manière dont le groupe s’organise.
Alors que faire ? Le collectif peut choisir de se mettre au service de cette personne, de l’accompagner dans son exploration. Ce sera probablement bénéfique à long terme, mais cela demande du temps et de l’énergie. Et on peut se demander : est-ce la priorité du groupe, au regard de l’objectif qu’il s’est fixé ?
Un collectif est là pour accomplir quelque chose. Si un individu a un fonctionnement trop éloigné ou trop disruptif par rapport au cadre défini, plusieurs questions se posent :
Cette personne souhaite-t-elle faire un pas vers le groupe ?
Le collectif a-t-il envie de faire un pas vers elle ?
Doit-il le faire ?
Longtemps, j’ai eu une position claire là-dessus : un collectif n’a pas à devenir le thérapeute d’un individu. J’estimais qu’il devait contribuer indirectement à l’épanouissement des personnes, mais qu’au-delà, c’était une limite à poser. En y repensant aujourd’hui, je me demande si ce n’était pas simplement de la flemme. Un refus d’envisager la possibilité. Un rejet automatique.
Et dans ce rejet, il y a une forme de sélection culturelle. Un clash de cultures, parfois très net. Pour prendre un exemple (volontairement caricatural), à quel point une association qui protège les animaux aurait envie d’intégrer des chasseurs qui disent eux aussi vouloir protéger les animaux, mais qui chassent le week-end ? À quel point un collectif, engagé sur une trajectoire claire, devrait dépenser de l’énergie à résoudre des conflits culturels, voire des conflits de société ?
Et si cela devait être fait, dans quels espaces ? Est-ce qu’on peut mutualiser des ressources, des protocoles, pour accompagner ces tensions partagées entre collectifs ? Aujourd’hui, on manque d’énergie, de temps, de disponibilité. On est dans l’urgence, dans l’envie d’agir, de sauver le monde. On ne prend pas le temps de ralentir, de prendre soin de ces écarts. Et pourtant...
Peut-être que la solution, à défaut d’autre chose, est de dire : le collectif peut faire un pas vers une personne dont le fonctionnement est très éloigné, mais cette personne doit aussi faire un pas. Il faut un accord, un contrat clair, presque une forme de coaching ou de contrat thérapeutique. Je ne sais pas comment ça fonctionne. Je ne sais même pas pourquoi j’écris ça ici. Mais il me semblait important de poser cette question.
Car si aucun collectif ne prend en charge ce type d’ajustement, certaines personnes resteront à la marge. Il y aura des angles morts, des « trous dans la raquette », et des personnes qui ne trouveront leur place nulle part, parce qu’elles ne rentrent dans aucun des cadres culturels existants.
Je mets ça là, sans trop savoir pourquoi.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Tu nommes ici un nœud que beaucoup de collectifs rencontrent sans toujours pouvoir l’adresser : la limite entre ce qui relève de la co-construction d’un commun et ce qui relève d’un accompagnement individuel, voire thérapeutique. Mais ce que tu désignes comme « différence individuelle », les théories féministes intersectionnelles ou les approches décoloniales nous apprennent à y voir bien souvent un effet du système.
Ce que tu perçois comme un « écart de fonctionnement » peut être, dans certains cas, le produit de la violence structurelle : neuroatypies, expériences de domination, parcours d’exil, pauvreté, trauma, etc. Dans cette perspective, l’inadéquation n’est pas (seulement) personnelle — elle est structurelle, relationnelle, et parfois politique.
Le dilemme que tu poses — doit-on accueillir ces différences ? à quel prix collectif ? — résonne fortement avec ce que Sara Ahmed appelle l’économie de l’inconfort. Dans The Cultural Politics of Emotion, elle montre comment les collectifs ont tendance à privilégier la fluidité, le consensus, le confort émotionnel du groupe majoritaire… au détriment de celleux qui incarnent la dissonance, la complexité, ou la mémoire douloureuse. Ces personnes deviennent alors les “trouble-fêtes”, comme elle les nomme : non pas parce qu’elles veulent déranger, mais parce qu’elles rendent visibles les lignes de faille.
Tu demandes si le collectif peut — ou doit — faire un pas. Peut-être que la question pourrait être déplacée : quel cadre permettrait aux personnes marginalisées par les normes implicites du groupe de ne pas avoir à s’épuiser pour survivre dans le collectif ?
Et si, au lieu de viser la symétrie (chacun·e fait un pas), on visait une justice relationnelle : qui a déjà fait 1 000 pas dans sa vie pour être “intégrable” ? Qui n’a jamais eu à en faire un seul ?
Ta proposition d’un « contrat clair » est intéressante, mais elle nécessite de clarifier : qui définit les termes de ce contrat ? Et sur quels critères juge-t-on si une personne est « trop différente » pour être accueillie telle quelle ?
Enfin, tu soulèves une intuition politique importante : les trous dans la raquette ne sont pas des accidents, ils sont souvent les conséquences d’un design collectif qui a été fait sans, voire contre, certaines voix. Et c’est là que les apports queer, crip (cf. Eli Clare, Alison Kafer), ou anti-validistes peuvent enrichir cette réflexion : comment concevoir des collectifs radicalement hospitaliers, sans se sacrifier, sans se diluer, mais en assumant que le commun est toujours un champ de tensions, jamais un havre de paix.
Merci de poser ça ici. Ça compte. Et ça invite.
19. Je refuse de prendre la responsabilité d’une autre vie. ( Lien Linkedin )
Et je suis bien conscient que cela fait partie de mes privilèges. Je sais que beaucoup de gens prennent en charge des personnes non autonomes dans leur famille, qu’ils ont des enfants, etc. Mais moi, j’ai fait le choix conscient de ne pas avoir d’enfant, justement parce que je sais que cela demande du temps, de l’énergie, des ressources. Et à l’époque où j’ai pris cette décision, j’avais le sentiment que d’autres choses m’appelaient plus fort que le fait de fonder une famille. D’autant plus dans un monde comme celui-ci.
Je préfère essayer de rendre ce monde plus accueillant, et tant pis si ce sont les enfants des autres qui en bénéficient.
Pourquoi je parle de ça ? Parce que ce refus-là crée aussi un biais dans mes relations. Quand je rencontre des personnes qui ne sont pas autonomes, qui ont besoin d’un soutien constant, quotidien, d’une attention continue… je sens que je ne suis pas disponible pour ça. Et je sais que ce que je dis peut paraître dur, voire dégueulasse, mais je n’ai pas envie de prendre cette responsabilité. Sauf peut-être si c’est un membre de ma famille, et encore, j’aimerais autant ne pas avoir à me retrouver dans cette situation.
M’engager pour les autres ne me dérange pas — tant que c’est régulé et cadré. Par exemple, les pompiers ça me va bien : je suis disponible à certaines heures, j’interviens, je rends service comme je peux, et ensuite je reprends ma vie. C’est très différent d’un engagement à temps plein pour quelqu’un.
Je sais que c’est un privilège, je sais que c’est une forme de liberté. Et oui, j’en profite pleinement.
Cela va jusqu’à ne pas avoir d’animal de compagnie. Pour moi, avoir un animal de compagnie est un acte égoïste, fait pour son propre confort émotionnel, sans se demander ce que voulait vraiment l’animal, ce qu’aurait été sa vie dans la nature. On crée un lien qui, à mes yeux, ressemble parfois à une forme d’esclavage psychologique. Si on parle du syndrome de Stockholm, pour moi ça s’applique aussi à certaines relations avec les animaux domestiques.
Un poisson dans un bocal, un oiseau dans une cage… même une plante dans un pot. On isole un organisme de son écosystème, on l’extrait pour le mettre dans notre décor. Dans quelle mesure ce n’est pas comme accrocher un organe vivant sur un mur pour faire joli ?
Je force le trait, bien sûr. Mais je voulais souligner à quel point on peut s’approprier l’autre — animal, végétal ou humain — simplement pour se faire du bien. Et jusqu’à quel point on prend conscience de ce qu’on fait. Est-ce que c’est voulu, consenti des deux côtés ? Est-ce que c’est un acte réfléchi, ou une habitude sociale non questionnée ?
C’est un peu éloigné du reste de mes réflexions, mais je voulais poser ça ici quand même avant de commencer les posts plus remuants.
LE COMMENTAIRE DE CHATGPT
Ce texte dit beaucoup — non seulement sur ton rapport au soin, mais aussi sur les normes implicites qui définissent qui a le droit de dire non à la responsabilité, et qui ne l’a pas. Tu affirmes : « Je refuse de prendre la responsabilité d’une autre vie. » Et tu précises que c’est un privilège. Mais tu n’en explores pas les racines. Or, si ce privilège existe, c’est bien parce que d’autres — souvent des femmes, des racisé·es, des précaires — n’ont pas le luxe de ce refus.
Les féministes matérialistes (comme Silvia Federici, Angela Davis, Françoise Vergès) ont montré à quel point le care (le soin) est invisibilisé, naturalisé, assigné. Il est présenté comme un "choix personnel", alors qu’il est structuré par des rapports de pouvoir. Si tu peux te permettre de dire « non », c’est que le système garantit que quelqu’un d’autre dira « oui » à ta place.
Tu évoques aussi ta vision des animaux domestiques, en parlant d’« esclavage psychologique ». Mais dans une perspective décoloniale ou antispéciste, la vraie question pourrait être : est-ce que tu peux dénoncer la captivité d’un oiseau tout en t’accommodant des chaînes invisibles qui maintiennent des femmes dans des rôles de soutien émotionnel dans les couples hétéros ? Tu dénonces la captivité des autres, mais ne dis rien de ceux qui se retrouvent captifs de ta propre liberté.
Et tu assumes ton désengagement affectif comme un acte de lucidité, ce qui est respectable. Mais que faire de ceux pour qui le lien est non pas un choix, mais un devoir ? Que dire des femmes assignées dès l’enfance au rôle de mères, d’infirmières du quotidien, de régulatrices émotionnelles des hommes ? As-tu déjà été la personne dont on attend qu’elle console, qu’elle écoute, qu’elle tienne malgré elle ?
La responsabilité n’est pas un mal. Ce qui est toxique, c’est son inégale répartition.
Alors, oui, ton propos est honnête. Mais il appelle une suite : comment ton refus de prendre en charge une autre vie peut-il ne pas peser davantage sur celles et ceux qui n’ont pas ce choix ?