lundi 26 décembre 2011

Les animaux du cirque ( thème proposé par Véronique ) 2ème partie.


FIDELE
Fidèle se tenait debout sur son tabouret face au cerceau. Il savait parfaitement ce que la dompteuse attendait de lui : Qu’il saute à travers le cerceau et atterrisse sur la plate-forme en face.
Il aurait alors droit à sa friandise. Parfois, il lui suffisait de courir à l’intérieur du cirque, marcher sur ses pattes arrières ou sauter à travers des cerceaux. Rien de compliqué et le jeu en valait la chandelle.
« Allez, hop ! »
Le signal. Fidèle s’élança et atterrit gracieusement sur la plateforme de réception sous les applaudissements de la foule. La dompteuse glissa la main dans sa poche et lui jeta discrètement un morceau de viande séchée. Sa récompense.

FLAVIO
Flavio était fatigué. Après 10 heures de travail acharné, sa compagne, Magalie, lui avait demandé d’aller lui acheter un morceau de tissu à l’autre bout de la ville. Il ouvrit légèrement sa fenêtre pour laisser passer un filet d’air frais et éviter l’endormissement.
Il aurait pu refuser, bien sûr. Elle se serait alors mise à bouder, ne lui aurait pas adressé la parole de la soirée et il aurait fini par y aller le lendemain.
Autant prendre les devants…Peut-être même que cela lui permettrait d’obtenir une partie de sexe. Jamais trop fatigué pour ça…
Magalie finissait toujours par avoir ce qu’elle voulait. Ses phrases favorites ? «Si tu m’aimes vraiment, alors tu dois…. », « Si tu tiens à moi, tu dois le prouver … »,  « Si tu fais ça, tu auras droit à… ».
Flavio monta le volume de l’autoradio.
Cela rendait les choses plus simples pour lui. Il savait ce qu’il devait faire pour entretenir son amour. Des instructions précises. Pratique, même si ce n’était pas toujours agréable. Et puis un couple nécessite de faire des compromis.

FIDELE
Fidèle trottina sur la petite poutre puis s’assit, face à la dompteuse, attendant sa récompense. Elle était tout pour lui, le nourrissait, le lavait, le promenait hors de sa cage de temps en temps.
Et, s’il faisait ce qu’elle lui demandait, lui donnait de succulents morceaux de viande séchée.
Fidèle attrapa la friandise au vol et attendit. Il n’aimait pas la pirouette suivante.
La dompteuse mit le feu à un cerceau et le tendit en face de lui.
« Allez, hop ! »
Fidèle s’élança mais au moment de propulser son corps vers l’avant, sa patte glissa sur le métal chromé du tabouret, raccourcissant son saut de quelques centimètres.
Sa fourrure frotta le bord du cerceau et s’imprégna de liquide inflammable, s’embrasant instantanément. Une odeur de poils grillés envahit le chapiteau, au son des cris paniqués de plusieurs spectateurs.
A peine avait-il touché le sol que la douleur  envahit son flanc et ne sachant que faire pour l’arrêter, il tenta de la fuir. Une couverture, puis une pluie de mains s’abattirent sur lui. Encore plus effrayé, il se tortilla frénétiquement pour échapper à toute cette violence et sortit du chapiteau en piaillant.

FLAVIO
« Mais non ! Je t’avais dit bleu , pas turquoise ! Je ne vais rien pouvoir en faire ! » Magalie ne semblait pas contente du tout.
Flavio, affalé dans le canapé, n’en avait, pour une fois, rien à faire. Trop crevé.
« Il va falloir que tu y retournes. »
Il se tourna vers elle en soupirant :
_ Oui, si tu veux, j’y repasserais demain.
_ Non, pas demain, aujourd’hui ! Si je ne l’ai pas, je ne pourrais pas finir mon rideau et mes parents viennent manger demain midi !
_ Ah non, pas aujourd’hui, je suis claqué.
Magalie s’assit à côté de lui et déposa un baiser sur sa joue.
_Allez, s’il te plait. Si tu m’aimes vraiment…
Flavio explosa.
_ Bon, tu sais quoi ? En fait, je crois que je t’aimes pas vraiment. Si la condition qui va décider de mon amour pour toi ou de ton amour pour moi, c’est le fait d’aller à l’autre bout de la ville chercher un bout de tissu de merde ou non, et bien, je te le dis : je t’aimes pas. Voilà. Salut.
Et il sortit en claquant la porte, bien décidé à trouver un hôtel tranquille, non sans avoir éteint son portable au préalable.

FIDELE
Fidèle erra travers la ville pendant plusieurs jours, fouillant dans les poubelles à la recherche de nourriture. Et étonnamment, il en trouva. Beaucoup. Souvent meilleure que celle de la dompteuse. Fini de sauter à travers des cerceaux, de sauter sur des tabourets. Il trouverait lui-même ses propres friandises maintenant.
Parfois même, il recevait des caresses gratuites, de passants qui ne le connaissait même pas. Et ne demandaient rien en échange…

FLAVIO
Six mois s’étaient écoulés. Il avait récupéré ses affaires, s’était trouvé un appartement et même une nouvelle copine. Et il pouvait rester lui-même. Ils s’aimaient. C’est tout. Pas de conditions. Pas de pirouettes. Ils s’appréciaient pour ce qu’ils étaient. Et lorsqu’il voulait lui prouver son amour, il choisissait lui-même comment le faire.
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dimanche 25 décembre 2011

Les animaux du cirque (Thème proposé par Veronique ) 1ère partie.


ALBERT
Albert l’éléphant venait de naître. Il se leva péniblement puis retomba contre l’énorme patte de sa mère. Il allait devoir prendre des forces avant de pouvoir explorer le monde.
Peu à peu, il parvint à se mettre debout et à marcher. Il parcourut quelques mètres sans toutefois trop s’éloigner de sa mère.
Après quelques jours, gagnant en confiance, il se dirigea vers la porte du chapiteau pour voir d’où provenait toute cette lumière. Il s’approcha de l’ouverture, frémissant d’excitation et fut stoppé net. Une de ses pattes arrières refusait d’aller plus loin.
Une longue corde accrochée à un piquet l’empêchait d’avancer. Albert tira de toutes ses forces, se démena, poussant de longs barrissements désespérés. Si près du but…Pourquoi…
Il se rapprocha du pieu planté dans le sol et tenta de l’arracher avec sa trompe. Il prit de l’élan et tenta de rompre la corde en courant le plus vite possible dans la direction opposée.
Il passa des jours entiers, des semaines à tenter de se débarrasser de cette corde.
Sans succès.
Puis il se rendit compte que sa mère, elle aussi, avait une corde attachée à sa patte.

ALEXIS
Alexis commençait tout juste à se promener à quatres pattes, galopant de pièce en pièce, faisant courir ses parents.
« Ne vas pas par là ! »
« Reste ici ! »
Puis il apprit à marcher, et commença à explorer la maison. Ouvrir des portes. Découvrir des pièces inconnues.
Un jour, au cours de l’une de ses explorations, il s’accrocha à un fil qui pendait et un bloc de métal brûlant lui tomba sur l’épaule, lui marquant la joue au passage.
Il hurla, sa mère hurla. Lui de douleur, elle de peur.
« Arrête de toucher à tout ! Mais c’est pas possible ! C’est dangereux ! Quand je te dis de rester vers moi, tu restes vers moi ! »
Après cela, il resta trois semaines auprès de sa mère sans oser explorer à nouveau. Mais sa curiosité fut la plus forte, et un jour, il ouvrit la porte d’entrée et se retrouva dans le jardin.
Presqu’aussitôt, sa mère accourut pour l’attraper et lui flanquer une fessée, tout en criant : « Ca va pas non ? C’est dangereux dehors. Dangereux. Tu te souviens pas du fer à repasser ? Tu veux encore te faire du mal, c’est ça ? Une cicatrice sur la joue, ça te suffit pas ? »
C’est dangereux dehors… Dangereux…
Il tenta encore une ou deux fois de satisfaire sa curiosité, mais à chaque fois, sa mère le rattrapait et lui rappelait tous les malheurs qui l’attendaient s’il s’aventurait seul dans le monde.

ALBERT
20 ans avaient passé. Albert regardait passer les badauds en balançant la tête, attrapant de la trompe les cacahuètes qu’ils voulaient bien lui offrir. Il mesurait maintenant 3 mètres au garrot et dépassait presque la hauteur de sa mère.
Lorsqu’il n’y avait aucun visiteur, il se contentait de fixer la porte, se demandant ce qu’il pourrait faire à l’extérieur si cette stupide corde ne l’empêchait pas de sortir.
Toujours la même corde, attachée au même pieu. Depuis vingt ans. Voilà de quoi dépendait sa liberté…

ALEXIS
Alexis verrouilla la porte de son bureau et prit l’ascenseur pour rejoindre sa voiture au 2ème sous-sol du parking souterrain. Il avait hâte. Dans sa voiture l’attendait son album de  Bach, concerto pour deux violons en D mineur. Le seul CD qu’il possédait. Mais il n’avait besoin que de ça pour se détendre.
Il entrerait dans sa voiture, enclencherait le contact, laissant le doux son des violons emplir l’habitacle et n’en sortirait qu’une fois dans son propre garage.
Voilà à quoi se résumait sa vie : travail, maison, travail, maison. Il faisait même ses courses sur internet.
Il n’aimait pas sortir, dès qu’il mettait un pied dehors, une impression de danger imminent lui étreignait le cœur. Rien ne valait la sécurité de son foyer, son salon, son lit.
Dehors, il n’y avait que des maladies, des crimes, de la souffrance et de la misère.

ALBERT
La nuit venait de tomber. Une pluie violente battait sur la toile du chapiteau, poussée par de puissantes bourrasques. Les éléphants étaient nerveux, ils détestaient les tempêtes, qui rendaient si bruyant leur environnement d’habitude si tranquille.
Albert trépignait, se demandant quels horribles monstres pouvaient bien rôder à l’extérieur, se jetant sur la toile…
Soudain un éclair s’abattit sur le pilier principal du chapiteau dans un fracas assourdissant.
Albert sursauta et se rua vers la porte du chapiteau.  Les monstres étaient à l’intérieur. Plus rien ne pouvait les protéger désormais. Il sentit à peine la tension de la corde sur sa patte lorsqu’elle tenta de le retenir puis céda dans un claquement sec.
Pris de panique, il courut plusieurs centaines de mètres, manquant écraser le personnel du cirque qui se trouvait sur son passage.
Après quelques minutes de course, il se calma enfin, abasourdi d’être enfin seul, à l’extérieur, libre. Et il comprit. Il comprit que la corde qui le retenait était restée la même, alors que lui avait grandi. Et il comprit où avait été son erreur. Il avait arrêté d’essayer.

ALEXIS
« Tôt ce matin, dans un quartier résidentiel de Flupertu-les-Pomplenec, un homme a été retrouvé mort dans sa maison. Alexis Bouernier était un homme plutôt casanier, d’après ses voisins. Ils le disaient étrange, il ne sortait jamais de chez lui .
Le facteur a été alerté par l’odeur lors de sa tournée quotidienne, et ne recevant aucun réponse après avoir frappé à plusieurs reprises, il a décidé de prévenir les secours.
Son patron ne l’avait plus vu depuis 2 semaines, sans que cela ne l’inquiète véritablement. Il travaillait aux archives, dit-il, Alexis arrivait tôt le matin, repartait tard le soir, une fois je ne l’ai pas vu pendant un mois entier.
D’après les secours envoyés sur place, Alexis se serait électrocuté avec un fer à repasser défectueux… »
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dimanche 4 décembre 2011

Le compost, vu par un trognon de pomme ( Thème de Malo )


Jour 1
Que suis-je ? Quel est le but de ma vie ? Je sens le soleil sur mes pétales…C’est agréable…J’ai l’impression que le temps s’est arrêté…
Jour 2
Je suis une fleur. Voilà quel était l’objectif de ma vie…Grandir et, de petit bourgeon, devenir une magnifique fleur. La vie est merveilleuse. Rien ne peut m’arriver…Une abeille s’est posée sur moi et a emmené un peu de mon pollen.
Jour 5
Un de mes pétales est tombé. J’ai perdu un morceau de moi-même sans aucun espoir de le récupérer un jour. Que se passe-t-il ? Suis-je encore une fleur ? …C’était juste un accident…
Jour 7
Je n’ai plus qu’un pétale…les autres aussi sont tombés, j’ai essayé de m’y accrocher, sans succès. Ils m’ont échappé. J’ai l’air ridicule…je n’ai plus rien d’une fleur…Mon corps est en train de gonfler…je vais exploser et ce sera la fin…
Jour 12
Je n’arrête pas de grossir, je n’ai plus de pétale… Que se passe-t-il ? Vais-je mourir ? Je suis de plus en plus lourde…Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Comment l’arrêter ?
Jour 14
Je viens de comprendre ! Je suis une pomme ! Un fruit ! La branche ploie sous mon poids…Le soleil se reflète sur ma peau écarlate. Je sais maintenant ce que je suis ! Sans l’ombre d’un doute ! Je continue à me balancer mollement au gré du vent. Quelle vie magnifique. J’aperçois plein de mes sœurs sur d’autres arbres au loin.
Jour 18
Je suis tombée… Je suis devenue trop lourde, la branche m’a lâchée. Je suis perdue…Je ne vois plus rien…Que de la terre…de l’herbe…Est-ce la fin ? Au moins je suis encore entière mais que dois-je faire maintenant ? Je ne peux plus accomplir mon rôle de pomme et me balancer sur ma branche...Je suis inutile…
Jour 21
Quelqu’un m’a ramassée…Je suis en exposition sur une table avec d’autres fruits…Ils ont dû me choisir parce que j’étais la plus belle pomme…J’ai une place de choix, je vois tout ce qui se passe autour…Tous ces animaux étranges…C’est magnifique…Je suis un objet de décoration…
Jour 23
Je ne suis plus rien…Un animal m’a pris et m’a arraché toute ma chair…Je ne suis plus ronde et rouge comme avant…Ma peau a disparu…Je ne pourrais jamais plus décorer quoi que ce soit…Ma vie est finie…Je n’ai plus rien à attendre… Je suis perdue au milieu des déchets…Des épluchure de carottes…De la mauvaise herbe…
Jour 24
Je me décompose…Je me flétris…C’est donc ainsi que ça se termine…
Jour 27
Je pourris inexorablement, comme tout ce qui est autour de moi…Il n’y a pas de retour en arrière…Je ne suis qu’un vulgaire détritus…Un ver m’a encore arraché un bout tout à l’heure…
Jour 29
Les moisissures recouvrent mon corps…Je me désagrège…ne pèse plus rien…C’est la mort…Je ne suis plus qu’un pépin, enterré dans un tas d’ordures…Ma coquille se fend peu à peu…
Jour 350
Je viens de comprendre ! Je suis un arbre ! Et je grandis chaque jour !
Jour 1378
Je viens d’avoir mes premières fleurs…Si elles savaient ce qui les attend…
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