samedi 29 janvier 2011

Chagrin...

Peut-on encore faire confiance ?
Peut-on se dévoiler ?
Peut-on encore se vanter d’avoir des sentiments ?

Peut-on encore s’attacher ?
Peut-on encore aimer ?
Faut-il couler son coeur dans un bloc de ciment ?

Existe-t-il un monde
Où les gens sont sincères
Ou la vie n’est pas gérée par l’argent ?

Une larme coule sur une joue
Tout espoir s’écroule et disparaît d’un coup
Il faut tout reconstruire, et tout recommencer
Car même les soupirs n’y pourront rien changer

Est-ce que l’amour existe ?
Croyez-vous qu’il résiste
Aux innombrables assauts du temps ?

Pourquoi les déceptions ?
Comment y survit-on ?
Faut-il se ramasser tout le temps ?

Quand la vie est si dure
Quand on se prend des murs
Nous faut-il oublier les bons moments ?

Une larme coule sur une joue
Tout espoir s’écroule et disparaît d’un coup
Il faut tout reconstruire, et tout recommencer
Car même les soupirs n’y pourront rien changer
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Les joies du mariage

Je possède un morceau de corde.
Et comme toutes les cordes, elle est faite pour m’attacher.
Non pas pour former un simple lien d’amitié, mais un plus fort, indestructible, un lien d’amour.
Une fois attaché, je serais en sécurité, assuré par la femme de ma vie.
Je pourrais alors évoluer en totale confiance, car l’amour se nourrit de confiance.
Et la confiance libère les sentiments.
Pour l’instant, je ne sais que faire de ce morceau de corde.
Il me promet la liberté mais je n’y crois pas trop.
Car ce morceau de corde est autour de mon cou.
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Pouetsie

Une nuit sans nuage éclairée par la lune
Cette veilleuse éternelle à la lumière brune
Une biche au pelage parsemé de taches blanches
Une fourrure si belle car brossée par les branches
Une colline d’herbe verte caressée par le vent
Juste une bise fraîche de début de printemps
Une fenêtre ouverte, sur un monde accueillant
Puis soudain l’herbe sèche, vieillit en un instant
Pourrit et disparaît, agressée par le temps
Dans le ciel se succèdent des nuages noirs et blancs
La biche d’un coup s’effraie et s’enfuie en forêt
Même là un arbre cède, plus faible qu’il n’y paraît
Le vent devient tempête, l’atmosphère s’alourdit
Une pluie froide s’abat recouvrant à grand bruit
Cette colline déserte, jadis si pleine de vie
Tout n’est plus qu’un amas de terre, tout est fini.

Un arbre aux branches nues, à la fin de l’automne
Après une pluie drue, sous un ciel monotone
A côté, une maison, au toit couvert de tuiles
Si belle en cette saison, luisante comme de l’huile
Le soleil peu à peu, sèche ses murs humides
Produisant dans les cieux, une vapeur timide
Légère et éphémère, s’évanouissant dans l’air
Tel un spectre apparut, défunt ou ange déchu
Au milieu de nulle part
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S'accepter

S'accepter pour demain accepter son prochain
S'accepter et apprendre à se connaître
Pour demain, n'accepter ni dieu ni maitre
Accepter les autres et leur manière de penser
Ton prochain , tu devras apprendre à respecter

Tu dois connaître tes défauts et connaître tes qualités
Mais pas besoin d'y penser trop, il faut juste les accepter
Si tu sais ce que tu penses et pourquoi tu veux y penser
Si en toi tu as confiance, tu dois pouvoir te contrôler
Il faut rester naturel, rien ne sert de se cacher
Derrière une façade trop belle, pour être une vérité

Regarde bien autour de toi, tu n'es pas seul à vivre ici
Chaque être humain a en soi, un besoin d'être compris
Saches que tu n'as pas le droit de juger n'importe qui
Chacun de nous est unique et se doit de le montrer
Chaque acteur a son public parce qu'il sait exploiter
son petit côté unique et ça, c'est une qualité
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Soi d'abord

Pourquoi aller chercher l’amour chez les autres ?
Quand la faim nous tiraille, qui donc nous nourrit ?
Quelle main tient la fourchette ? Sinon la nôtre ?
Le matin dans la glace, qui donc nous sourit ?

Pourquoi passer son temps à chercher l’attention ?
Dépenser l’énergie pour une approbation
Qu’on n’est pas sûr d’avoir, qui vient sous condition.
Que l’on n’aura jamais sans faire de concessions

A trop courir après l’amour de son prochain
On se retrouve toujours là où on ne veut pas
Mieux vaut donner à soi ce que l’on a en main
Plutôt que le donner à ceux qui n’en veulent pas.

Comment peut-on demander à qui que ce soit
D’aimer une personne que nous-mêmes n’aimons pas ?
Si l’on s’est oublié dans une relation,
Que donc restera-t-il à notre compagnon ?

Un fantôme de nous-mêmes ? Une pâle imitation ?
Une sorte de disciple, qui ne sait plus dire non ?
Il faut d’abord s’aimer, se donner l’attention
Se connaître, se soigner, se construire sur ce nom

Que l’on nous a donné pour nous identifier
Pour nous différencier, nous personnaliser
Même ceux qui l’ont choisi, avaient dans leur esprit
Une image préconçue, un avenir construit

Pour eux était déjà tracée toute notre vie
Sans qu’ils ne prennent en compte une seule de nos envies
Il faut se détacher, et détruire ces attentes
Leur montrer que pour nous, la vie est importante

L’amour et l’attention reviennent d’abord à soi
On ne doit pas mendier pour ce qu’on a déjà
De toute façon le stock n’est jamais épuisé
Tu en trouveras toujours là où tu l’as puisé.
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Les envahisseurs

Adopté par la France lorsqu’il était enfant
Il revient en Irak, retrouver ses parents.
Son nom ? Saïd Vincent.

Perdu dans le désert, à chercher un hameau
Se fracassant le dos assis sur un chameau
Il espère arriver avant que la nuit tombe
Car elle est fraîche la nuit, de ce côté du monde.
Mais le soleil se couche le laissant sans repère
Il est seul dans le noir sans sa mère ni son père
Et soudain dans le ciel s’allume une lumière
Comme si quelqu’un là haut, exauçait ses prières
Un faisceau lumineux qui n’éclaire que lui
Comme si ce dieu peinait à écarter la nuit
Un vrombissement assourdissant vrille ses tympans
Un gros appareil au-dessus de lui, descend.
Saïd saute du chameau, qui s’enfuit en courant
De derrière la lumière, sortent de drôles de gens
Avec un œil tout rouge, habillés bizarrement
Et ils se ruent sur lui, et le cernent en hurlant.
Derrière l’un d’eux l’attrape, sans même qu’il se débatte
Aux poignets des menottes et sur la tête un sac.

Et plusieurs jours se passent, sans qu’il sache où il est
Jusqu’à ce qu’il se réveille, à Guantanamo Bay
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Juste un truc

Une foule s’avance scandant des slogans chargés de rage
Une masse sombre déferle dans la rue, mécontente, révoltée
Persuadée qu’encore une fois ils ont voulu la tromper.

Debout derrière un pupitre, il harangue les foules
Les rallie à sa cause, les charme de sa prose
Il leur promet la lune, dit que tout se déroule
Comme il l’avait prévu

Une main glisse sur une peau satinée, descend doucement vers le téton dressé
Une lente caresse lui arrache un soupir d’extase.

Il enclenche l’interrupteur, qui ferme le circuit
Alimente le moteur qui tourne les poulies
Là, le cable s’enroule, fait monter la cabine
A l’étage choisi, un rupteur se déclenche
Arrête la bobine et le cycle est fini

Sous le poids soudain, les ressorts en tension émettent un grincement
Submergée de plaisir, elle ne peut plus tenir et pousse un gémissement
Il se retire et recommence, grincement, gémissement
De plus en plus rapidement, pour que finalement
Ils atteignent l’orgasme.

Sous le soleil levant, en rang, dans un champ
Jambes fléchies ils exécutent à l’unisson une succession de gestes lents
Inspiration, bombent leur torse, replient leurs doigts, les ramènent lentement
Expiration, déportent leur poids, tendent leurs bras, paumes vers l’avant

Les pieds frappent le bitume, les semelles à chaque pas claquent sur le pavé en un mouvement régulier, faisant refluer la brume, le tissu est tendu sur les muscles contractés pour fournir l’énergie demandée.

Refrain ???

Une succession de gestes, d’impulsions met la masse en mouvement
Tout change, tout bouge, se déplace, sans cesse, tout vit, tout meurt, tout monte tout descend, car tout est en mouvement
Ascension, rotation, translation, pression, déplacement, tout n’est que mouvement

Le mouvement de foule, de masse, politique
Le faux mouvement, mouvement mécanique
Mouvement contrôlé, incontrôlable et réaction chimique
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Random english stuff with bad grammar

Holding the mic like a sword
Swift moves, sharp words
Ask those who tried to dodge my blade
Striking again and again till their heartbeat fades
Better be scared, be afraid
Rumor has it mate, stuff has been said
Better lay low, here comes another blow
So fast, the steel in your ear whistles
So sharp, the hair at the back of your neck tickles
So smooth, it cuts through your skin as it would through a pickle
Many got killed by my hand on the battlefield
So skilled you won’t see it coming
Blood from my blade is dripping, I ain’t tripping
Can’t you hear them ? they’re crying, shouting
They want their life back, they’re begging
You picked the wrong fight, now you’re dying

Screwed over and over again, just look what power does to a man
Shutting your conscience up, smacking up the little angel on your shoulder
Rolling down a slippery slope like a boulder
Sending your former friends to war as cannon fodder
You wanted to rule the whole world ? then mark my words, it will soon be over
As money builds up, so does the anger of people you ripped off to make your life better
You’re alone at the top, staring down at everyone
It’s time for it to stop, you’re not fooling anyone

Sometimes you never know when, it all goes wrong
When you think it’s as bad as it’s gonna get, it just gets worst
Feels like the whole world letting you down, but you’re not the first
One to feel like your head is about to burst
So you feel bad, so what ?
Everyone breaks down, from time to time.
The only thing you wanna do is just drink another round
But all you need is some good sound.
Open your ears, open your eyes, open your mind
Keep them open, keep hopin’, pick yourself up,
Get up, get yourself together, what the fuck ?
Forget ‘bout your problems, you’re gonna drown
You don’t have any money well you don’t need any.
Look around look up but don’t look down.
Sad times, times of sorrow, you feel hollow
Better times will follow.
keep hopin’, pick yourself up,
Get up, get yourself together, what the fuck ?
Sweet times, sunshine, let there be light, don’t you stand in the dark
Solutions, they will come, come on.
Get that fucking weight off your shoulders.
Then you’ll see, you’ll feel lighter than ever.
Calm down, breathe, again and again and again.
What you need is nice fresh air. Feel the pain,
It’s not there, it’s gone, there’s none, not anymore
Breathe some more, like before.
Again and again and again. Stop.
Ok you’re ready, steady, you won’t take no shit from nobody.
Let’s party. Life’s easy so don’t worry, be happy…. Tu dudu dudududu

That’s some toastin’ material, serial killer stuff that’ll get you all, dancin’ up on the table
Good for your soul, it’s gonna catch you by your balls and make you jump all over the dance hall, that’s no bullshit, feel it, you just can’t quit movin’, groovin’, shake it, so sweet, dancin’ to the beat. It’s not about politics, economic stuff and all that boring shit.
This, my man, is all about music.

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Marche de Noël

Une bonne odeur de pain d’épices et de cannelle
Règne dans la maison, embaumant chaque recoin
Il s’habille lentement, choisissant avec soin
Sa plus belle salopette, remontée sous l’aisselle

Noël approche à grands pas
Tous les sapins sont prêts, la neige est déjà là

Une douce musique résonne dans le salon
Dehors c’est le silence, la nature se repose
Il enfile son bonnet, avec son gros pompon
Sa belle barbe blanche cache à peine ses joues roses

Noël approche à grands pas
Les gens restent chez eux, bien à l’abri du froid

Juste avant de sortir une tartine de foie gras
Qui lui fond sur la langue, et réveille ses papilles
Puis il ouvre la porte sa besace sous le bras
Pressé de revenir retrouver sa famille

Noël approche à grands pas
Dans la cuisine mijotent tous les bons petits plats

La ville est recouverte d’un épais manteau blanc
Le ciel est dégagé, et les étoiles nombreuses
Dans la neige, ses bottes s’enfoncent profondément
Sa femme par la fenêtre le regarde, heureuse

Noël approche à grands pas
Et emplit le cœur de tous les enfants de joie

La coupure de courant plonge la ville dans le noir
Il s’accroche à son sac, de ses gros doigts rougis
Par la morsure du froid, car il fait froid ce soir
Gérard est dégouté, tout ça pour des bougies

Noël approche à grands pas
C’est dommage que le père Noël n’existe pas
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Le tzigane et le renoi

Issaka, main tendue, assis sur le trottoir
Le regard vide, une larme coule sur sa joue noire
Car la France, terre d’accueil, a détruit ses espoirs
Anéantit ses chances d’échapper à l’Histoire.

Jacinto, quant à lui, erre sans destination
Dans une main un archet et dans l’autre son violon
Dans sa famille depuis quatre générations
La musique est pour lui une vraie obsession

Et au détour d’une rue, leurs deux regards se croisent
Issaka se demande pourquoi cet homme le toise
Là Jacinto s’arrête, épaule son instrument
Et de mouvements agiles, lance un air entraînant

Le visage du Malien s’éclaire d’un sourire
Il remarque les passants que la musique attire
Il se lève et attrape un couvercle de poubelle
Ponctuant l’air tzigane, envoûtant la ruelle.

Les badauds malgré eux, se laissent ensorceler
Et des dizaines de gens en foule se sont massés
Car il est bien connu pour les vrais amateurs
Qu’il n’existe en CD pas de musique du cœur

Nomades et sans-papiers à la fois sans patrie
Sont aussi citoyens d’innombrables pays
Ecoutez leur musique car c’est là qu’est caché
Le secret d’une vie que nous avons reniée.
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Consommation

Voilà t’es né félicitations
Pour fêter ça ta banque te paye un portefeuille d’actions
Pour l’instant tu t’en fous, tu sais même pas comment on parle
Mais ça n’est pas une excuse car tu consommes déjà pas mal
Et fais vite parce qu’à cinq ans
T’auras un plan epargne logement
T’iras faire les courses avec ta mère et t’auras ton propre caddie
Tu pourras alors le remplir avec tout ce qui te fais envie
Et regardes bien le p’tit écran
Et toutes les pubs qu’il y a dedans
Sois bon élève apprends par cœur tous les slogans
Tu verras ce sera bien utile pour faire pression vers tes parents
La poupée qui parle, la voiture tout terrain ou le fusil à fléchettes
Tes potes te prendront pour un con si t’as pas ton nounours qui pète

Consommateurs, qu’on est
Con comme on est
Tous autant qu’on est dès qu’on naît
Consommateurs, qu’on est
On est consommateurs, ça fait peur

L’argent ne fait pas le bonheur, il a dit
L’argent n’a pas d’odeur, il a dit
Il avait pas la télé, ça j’en doute
Ou il recevait pas encore le catalogue de la redoute
Ton jeu de poêles Tefal en téflon
Qu’il te faudra changer quand t’auras des plaques à induction
Ta table basse de salon, avec ton pouf et ton futon
Top du top en matière de décoration
Des yaourts au bifidus, des barres chocolatées
Du shampoing à l’hibiscus et tous ces produits de beauté
Achète, achète, vite
Jette, jette, vite vite vite
Sinon y aura plus de place pour acheter encore
On t’lâchera que quand tu s’ras mort

Bougeoirs, lampe, tapis, serviettes hygieniques
Voiture, chaussures et gants en plastiques
Du chocolat, du jambon, des tampons
Des dvd, des videos et les derniers ordinateurs
Du papier cul triple épaisseur
Des jouets, des jeux des rasoirs et des brosses à dents
Et cette lessive qui rendra tout encore plus blanc
Plus loin, meilleur, plus rapide, plus facile, plus fort
Tout ce qu’il faut pour ton confort.

Et n’oublies pas de faire des enfants
Qu’ils se dépêche de dev’nir grands
Comme ça ils consommeront encore
Quand ta femme et toi serez morts
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Raison de vivre


Je t’écris ce poème pour te remercier,
Parce que grâce à toi, je peux apprécier
Ce que la vie nous apporte chaque jour
Merci, car grâce à toi, j’ai découvert l’amour

J’ai enfin pris conscience de mon cœur qui bat
Et je sais maintenant qu’il ne bat que pour toi
Tu as sauvé ma vie, tu as sauvé mon âme
Eveillé mes envies et séché toutes mes larmes

C’est un monde nouveau qui s’ouvre maintenant
Un monde à deux où l’un ne va pas sans l’autre
C’est un monde nouveau, un monde fascinant
Une nouvelle dimension, qui est devenue la nôtre

Partout où je regarde, je ne vois que tes yeux
Je sais maintenant que la beauté existe
Je ne crois plus en moi, je ne crois pas en dieu
Je ne crois que en toi, je sais que tu existes

Tu es la perfection, l’amour et la tendresse
Mon corps entier ne rêve plus que de tes caresses
Tu es cette étincelle qui fait brûler la vie
Je veux que tu sois celle qui partagera ma vie

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C'était une maison bleue

Je suis parti à san francisco pour trouver ta maison bleue
J’ai fait toutes les collines, j’ai galéré un peu
Puis j’ai fini par la trouver, c’était pas facile à pied
Ils ont refait la façade en jaune, et changé la serrure
Quelqu’un a du garder la clé parce que la porte était fermée
Alors je me suis assis, adossé contre un mur
Et j’ai attendu cinq heures du soir, que tout le monde soit là
Cinq heures, cinq heures et demi, six heures et pas un chat
Lisa et luc, sylvia, vous êtes où ?
J’aurais dû prévenir, ils m’attendent pas du tout.
Le brouillard s’est levé, San Francisco s’est allumé
Mais personne s’est pointé.
A huit heures, je me suis dit que c’était pas la bonne maison
Pourquoi en jaune, y a pas de raison.

Et là, un gars est arrivé, barbu et cheveux longs
Bien que sa chevelure soit grise, je crois qu’avant il était blond
Je lui ai demandé s’il s’appelait Luc, y m’a yeah man
Tout ce que tu veux si t’arrive à me dépanne
Le vieux hippie voulait du crack
J’ai failli avoir une attaque
Au début j’y ai pas cru, je lui ai dit mais t’es tout ce qui reste ?
Un vieux tox crasseux avec un pantalon troué et une pauvre veste
Et Lisa et Sylvia ou elles sont ? Tous ceux qui sont dans la chanson ?
Y m’a dit ils sont à wall street, y gèrent des portefeuilles d’actions
Après des années de route ils en ont eu marre
Phil a cassé sa Kena, Tom a vendu sa guitare
Et puis voilà, peu à peu tout le monde s’est barré
Et on a oublié les belles idées.
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Vérité

Très souvent ces temps-ci, on m’accuse d’insolence
Mais faut-il se soumettre ? Se laisser insulter ?
Céder à ces sottises, muré dans le silence ?
Piétiner ce bon sens que l’on m’a inculqué ?

Je regarde le monde à travers mon écran
Derrière ma fenêtre, il fait beau tout va bien
Au-delà des montagnes, il en est autrement
La liberté ne cesse de perdre du terrain.

J’entends parler de gens qui quittent leurs entreprises
Déçus des décisions que prennent leurs patrons
Je vois des journalistes, à ma grande surprise
Qui, au lieu d’un avis, donnent leur démission.

J’en appelle aux personnes qui se sentent impuissantes
Qui, seules face au groupe, préfèrent baisser la tête
Ne laissez pas la peur être la plus puissante
Sans vous la différence ne peut plus être faite.

Car j’en appelle aux peuples de cette planète
Pétrifiés par la peur, et nourris par la haine
Parlez n’hésitez pas, lumière doit être faite
Et laissez la colère, c’est une émotion vaine.

Aujourd’hui je déclare que la vérité
Aux quatre coins du monde se doit d’éclater
Déposez vos mensonges, mettez les de côté
Que le vent de l’oubli puisse les emporter
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Expérience 202

Experience 202, comme écrit sur sa cage
Ou elle vivait, otage, depuis son plus jeune age
Bien ternes étaient ses yeux, car ils étaient comme ceux
De tous ces animaux, loin de la vie sauvage
Car il était plus sage, de ne pas attendre trop
De ces êtres patauds, qui derrière les barreaux
Lui montraient les images, de ces verts pâturages
Clichés d’un autre monde, plus grand que son cachot

Une souris de labo, de petites oreilles rondes
Dans une cage immonde, l’odeur nauséabonde
Lui agresse le museau, le fruit de ses boyaux,
celui de ses voisines, forme une boue profonde.

Soudain, un humain, de sa main
Mu par de sombres desseins,
Lui ouvre le chemin, enfin
Qui mène à son destin.
Sans remords, aucun
Elle le mord encore et encore et sort
L’homme hurle comme un porc
Mais peu importe, il fallait qu’elle sorte
Une fois dehors, son petit corps
La traîne jusqu’à la porte
S’il l’attrape, elle est morte.

Ses muscles sont faibles, ils manquent d’exercice
Mais ils font leur office, se surpassent pour qu’elle puisse
Après un long supplice, trouver un orifice
Dans lequel elle se glisse, avant qu’il la saisisse.

Et voici donc le monde, la voilà clandestine
Voici qu’elle se débine, fuyant ses origines
Et notre vagabonde ne perd pas une seconde
Elle explore cette cloison, à la recherche d’un signe.

Une issue se dessine, bouche de ventilation
Parcourue d’un frisson, elle la franchit d’un bond
Et donc notre héroine, entame le sprint ultime
Voilà la liberté, la fin d’une évasion.

Nous sommes tous comme des rats, la tête dans les barreaux
Nous plaignant sans arrêt, qu’ailleurs l’herbe est plus verte
Ne voyant pas plus loin, que le bout d’not’museau
Quand, au-dessus de nous, la cage est grande ouverte

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Comme un lapin

Seul sur le trottoir sous la pluie battante
C’est ainsi que commence l’interminable attente
Le cœur plein d’espoir un bouquet à la main
L’œil rivé sur l’horloge du bistrot du coin
Et puis il se demande quel chemin elle a pris
Repense à son visage, son rire et il sourit

L’heure tourne, le temps passe
Minute après minute, notre homme se lasse
Son esprit se répand en suppositions et en hypothèses
Une boule dans l’estomac qui gonfle et le rend mal à l’aise
S’est-il trompé de jour, d’heure ou d’endroit ?
Il voudrait vérifier mais il ne le peut pas.
Il a acheté les fleurs pour lui faire une surprise
Mais plus il les regarde et plus son cœur se brise

Elle a eu un problème, juste un empêchement
Et chez lui un message l’attend probablement
Peu à peu la nuit tombe, les lampadaires s’allument
Des pavés encore chaud, monte une fine brume
Encore dix minutes, peut-être n’est-ce qu’un retard ?
Une voiture arrive, il aperçoit des phares
Elle approche lentement, lui rendant un espoir
Et puis elle le dépasse.

Elle ne viendra pas, il en est sûr maintenant
Il a dû se tromper, pas possible autrement
Ses chaussures sont trempées, le froid lui gèle le sang
Il va tomber malade, il doit partir maintenant.
Le cœur serré, les larmes au yeux, il reprend son chemin
En caressant l’espoir qu’elle l’appelle demain.
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lundi 24 janvier 2011

L'intensification de la culture du topinambour mauve au Guatemala septentrional

Voilà le thème était donc le titre ci-dessus et je ne l'ai pas fait en alexandrins avec césure à l'hémistiche, parce que j'accepte qu'on m'impose le thème, mais pas le style.

Juan attendit patiemment que tous les membres du conseil soient installés confortablement autour de la table avant de prendre la parole.
_ Messieurs, bonjour. Si j'ai organisé cette réunion extraordinaire, c'est pour soulever un problème que connaît notre pays depuis plusieurs années dans l'espoir d'y trouver une solution.
Messieurs, l'heure est grave. La banane ne suffit plus.
Un murmure d'approbation parcourut l'assistance.
_ Comme vous le savez, les exportations de bananes ont chuté de plus de 50% ces dix dernières années. Il est temps de reprendre les choses en main.
_ Il faudrait financer une campagne de publicité pour redorer l'image de la banane, s'exclama Justo Marios.
_ Nous pourrions nous mettre en contact avec Max Havelaar, le commerce équitable est un excellent argument de vente. Regardez comme les ventes d'orange ont explosé au Brésil !
_ Il faudrait trouver de nouvelles recettes, lancer des produits dérivés.
_ Un bio-carburant à la banane ?
_ On peut s'offrir quelques études scientifiques pour démontrer les bienfaits de la banane ?
Juan leva les bras pour faire taire l'assemblée.
_ Calmez vous, mes amis, bien que cette effusion d'idées me réchauffe le cœur. Je vous propose quelque chose de plus radical. Il est temps de changer de paradigme. La banane est has been, les gens se sont lassés, il faut un nouveau produit.
_ La cocaïne ?
_ Non, non, les colombiens ont déjà saturé le marché et la communauté internationale préfère investir dans les drogues synthétiques. La concurrence est trop forte du côté des industries pharmaceutiques.
_ Le café ?
_ Mais non. Les boissons énergétiques sont en plein essor, c'est perdu d'avance. Je vous propose quelque chose de plus innovant, de plus ambitieux, de ramener à la mode un légume d'antan oublié par le monde.
_ Le Quinoa ?
_ Non, pire.
Juan alluma le vidéoprojecteur à l'aide de la télécommande posée à côté de lui. Les hommes réunis autour de la table contemplaient en silence l'image venant de s'afficher sur le mur, ne sachant trop comment l'interpréter.
_Qu'est ce que c'est ?
_ Une patate nouvelle ?
_ Une betterave ?
_ Messieurs, je vous présente : LE TOPINAMBOUR !
_ Le quoi ?
_ Le topinambour ?
_ T'écris ça comment ?
_ Je sais pas, comme ça se prononce ?
_ C'est plutôt laid...
_ Et pas n'importe quel topinambour : LE TOPINAMBOUR MAUVE ! Après plusieurs croisements, nos chercheurs ont réussi à lui donner cette magnifique couleur mauve : symbole de pouvoir, de spiritualité, de noblesse et de mystère. Une équipe d'experts en communication/propagande/relations publiques sont déjà en train de plancher sur les slogans qui nous permettront de créer une image marketing sans faille pour ce légume délicieux.
_ Délicieux ?
_ Ouais enfin bon...d'ici quelques jours, le monde entier saura qu'avec un topinambour, c'est reparti pour un tour ! Ils nous ont également concocté quelques histoires bien ficelées, comme celle du fils de pêcheur devenu millionnaire grâce à sa recette de topinambours flambés. Le storytelling, c'est l'avenir !
Au moment même où je vous parle, plusieurs centaines d'hectares au Nord du pays sont fécondés des graines de ce magnifique légume ! Des exemplaire du nouveau drapeau national mauve sont hissés partout sur le territoire ! Nous avons même racheté le nom de domaine « topinambour.com » !
_ Pardon Juan mais Topinambour, c'est pas un peu un nom à la con quand même ?
_ Parce que tu trouves que Guatémala, ça rend mieux sur les T-shirts peut-être ?
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samedi 22 janvier 2011

Les conséquences de nos actes

Acte 1

_Dépêches-toi un peu, on n’a pas la journée. Je te paye pas à rien foutre, c’est incroyable, ça !
David se tenait à cheval sur la poutre métallique. Devant lui, une boîte d’écrous à visser sur la charpente du futur centre commercial. En deux semaines, il avait dû poser au moins deux mille boulons, à chaque tour de clef, son poignet le faisait souffrir.
Je suis sûr que c’est une tendinite.
De toutes ses missions intérimaires, celle-ci était de loin la pire. Non pas parce qu’elle était fatigante, ou parce qu’il devait travailler en hauteur mais à cause de son patron. René possédait sa propre entreprise depuis maintenant deux ans, et il commençait tout juste à se rendre compte que ce n’était pas si facile à faire tourner. Ce qui le stressait. Stress qu’il passait sur ses employés. Il ne connaissait pas la différence entre un intérimaire et un ouvrier qualifié. Pour lui, tout le monde était sensé travailler en courant. Mais David, perché à 17 mètres de haut sur un IPN, n’était pas prêt à se lever.
Tout ce qui lui importait était de toucher un salaire à la fin du mois pour payer son loyer et faire la fête avec ses amis. Rien de plus. Certains métiers lui plaisaient plus que d’autres, bien sûr, mais cela restait une corvée.
Tout en évitant de regarder en bas, il ajusta son harnais, et s’appuya sur ses mains pour avancer en glissant sur la poutre. Soudain, une douleur fulgurante lui traversa l’avant bras, comme si son tendon venait de claquer. Déséquilibré, il compensa en portant son poids sur son autre bras, afin de ne pas basculer dans le vide. Une forte montée d’adrénaline lui tourna la tête.
Boulot de merde !
Il secoua son poignet, comme si la douleur allait se décrocher. Malheureusement, sa main heurta la boîte de visserie, ce qui eut deux conséquences majeures. D’une part, il se retourna un doigt, ce qui lui arracha un cri, mélange de frustration et de souffrance. D’autre part, le carton bascula, éparpillant les boulons sur la poutrelle. Plusieurs d’entre eux tombèrent, près de vingt mètres plus bas. Par chance, aucun des ouvriers au sol ne fut touché. Même si, l’espace d’un instant, David se prit à espérer que l’un d’entre eux assomme son chef.
_ Qu’est-ce que tu fous, là-haut ? T’essaye de nous tuer ? Qui c’est qui m’a foutu un intérimaire pareil ?
_ J’ai glissé, désolé !
_ T’as glissé ? T’as qu’à marcher, sur cette putain de poutre ! On travaille pas assis ! Est-ce que je m’assoies pour bosser, moi ?
_ Bon, écoute, tu me saoules maintenant ! Ca fait deux semaines que tu m’emmerdes, t’es jamais content ! Si je bosse si mal que ça, t’as qu’à faire le boulot toi-même, moi je me casse.
_ Ah ça ! C’est plus simple de fuir !
_ Ouais, je préfère bosser en supermarché, c’est peut-être un boulot de merde, mais au moins mon chef ne me casse pas les couilles.
_ Hé ben, tires toi, des intérimaires, y en a vingt qui attendent d’avoir ta place !
_ Et voilà ! Comme ça, tout le monde est content !
_ Et t’as fini au moins ?
_ Ouais, j’ai fini, t’as qu’à monter voir ! Allez, amuses toi bien avec ton chantier et ton caractère à la con.
Une fois au sol, David décrocha son harnais, le lança dans le coffre à outils et se dirigea vers sa voiture, bien décidé à ne jamais remettre les pieds là.

Acte 2 : Juin 2006

Fred conduisait sa nettoyeuse à carrelage, l’air absent. Le lecteur MP3 lui diffusait un album de Philip Glass dans les oreilles. Il s’imagina tondant une pelouse au sommet de l’Everest, sur son petit tracteur, entouré de sommets enneigés.
Il n’y avait absolument aucun doute, seule la musique lui permettait de supporter ce travail, les centaines de mètres carrés du centre commercial à nettoyer n’étaient plus qu’un détail avec un best of des Doors ou une compilation Lounge comme ambiance musicale. Assis sur sa machine, il multipliait les allers et retours dans la grande surface, sans prêter attention aux clients, qui le lui rendaient bien. Soudain, il poussa sur ses jambes et se redressa sur son siège. Sa parcelle favorite approchait : la devanture de la parfumerie. La vendeuse de la parfumerie, une magnifique brune aux yeux bleus, le gratifiait parfois d’un petit geste de la main ou d’un timide sourire, qui ne manquait jamais d’accélérer son cœur. Lorsqu’elle n’était pas en congé, le carrelage devant la boutique étincelait de mille feux, car il prenait bien soin de ne pas en oublier un centimètre carré, même s’il lui fallait pour cela repasser plusieurs fois au même endroit.
Allez, aujourd’hui, tu t’arrêtes et tu l’invites à déjeuner, qu’est-ce que tu risques ? Il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Qui ne tente rien n’a rien. On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. L’habit ne fait pas le..non, rien à voir.
Après cette petite séance d’auto-motivation, il était remonté. S’il avait eu deux places et un frein à main sur sa machine, il se serait arrêté en travers devant le magasin et l’aurait enlevée à ce centre commercial destructeur d’identité pour l’emmener dans son petit monde, là où les chutes du Niagara se jettent dans un lagon de l’océan indien depuis le sommet du Mont-Blanc.
Mais pour cette fois, il devrait se contenter d’un sandwich à la cafétéria du coin. Il exécuta un premier demi-tour juste devant la vitrine, histoire de vérifier qu’elle était bien là.
Ce qu’il vit lui fit perdre tous ses moyens. Un homme, même pas, une espèce de minet aux cheveux saturés de gel coiffant lui tenait la main. Elle riait, son regard ne trompait pas, tant d’amour dans ce regard qu’il était presque palpable. Fred crut voir des vagues d’amour se fracasser contre la vitrine. Mais non, il était tellement choqué que c’est lui qui se fracassa contre la vitrine, en plein virage. Le bord de son pare-chocs heurta la devanture, qui le guida jusqu’à un pilier, en jointure de deux magasins. Cela eut pour effet de le stopper net et de faire vibrer toute la structure du centre. Du moins, c’est l’impression qu’il eut avant que son nez vienne s’écraser contre le volant.
Ses écouteurs en profitèrent pour se dégager de ses oreilles, la musique laissant place aux rires de la clientèle.

Acte 3

Gisèle, sa canne posée à ses côtés, observait le va et vient des clients du centre commercial. Elle aimait s’asseoir sur ce banc, dans le grand hall et rêvasser devant la fontaine. Cela lui rappelait la place du village, avant qu’ils la remplacent par un rond point. Henriette, paix à son âme, et elle, se réunissaient chaque soir pour se raconter leurs journées respectives et échanger les derniers potins. Mais tout cela était bien loin maintenant.
C’était le bon temps, comme on dit.
A 84 ans, Gisèle se retrouvait seule. Ses amis étaient soit morts, soit en maison de retraite et, étant incapable de conduire suite à son accident, elle ne pouvait pas leur rendre visite. Le centre commercial lui servait aussi à ça : se sentir entourée et ne pas passer son temps dans cette maison où plus personne ne l’attendait. Ses enfants étaient partis depuis longtemps à l’autre bout de la France, et ne venaient la voir qu’une fois tous les six mois, beaucoup trop peu à son goût. Bizarrement, la convalescence de sa chute dans les escaliers avait été pour elle, la période la plus heureuse de ces dernières années. D’abord parce que sa fille était restée auprès d’elle pendant une semaine entière mais aussi parce que l’infirmier, engagé par son assurance, avait été la seule relation humaine qu’elle ait eu depuis longtemps. Les soins qu’il lui prodiguait, ainsi que les interminables conversations qu’ils entretenaient sur la terrasse, en sirotant le thé, lui laissaient des souvenirs impérissables.
Souvent, depuis, il revenait la voir, ou l’appelait pour demander de ses nouvelles, non pas par pitié, mais parce qu’il l’appréciait en tant que personne.
Mais Gisèle n’en pouvait plus de cette vie, de tout ce temps gâché, passé devant la télévision, sans savoir quoi faire d’autre et depuis peu, la mort lui revenait sans cesse à l’esprit, non pas comme un événement horrible mais comme le dénouement inévitable d’une vie bien remplie.
Elle se surprenait parfois à prier, pour le Seigneur la rappelle à elle, afin qu’elle rejoigne enfin tous les proches qu’elle avait perdue.
Pourquoi est-ce à moi de rester ?
Elle était perdue dans ses pensées lorsqu’une déflagration retentit dans le hall, faisant vibrer les vitres de la baie.
Tiens, l’homme de ménage ne maîtrise pas bien son…
Elle ne put terminer sa réflexion, car un boulon de 18, qui reposait au bord d’une poutre métallique depuis quelque temps, profita de la vibration pour basculer et terminer sa chute sur le crâne de la vieille dame, mettant fin à ses jours, exauçant ainsi ses prières.

Acte 4 :

_ Non, écoutez, je ne peux pas accepter !
_ Mais si, voyons, et si cela pouvait effacer ma culpabilité, je vous donnerais ma part également.
_ Si vous voulez mais…
_ Non, je disais pas ça sérieusement, je ne vais pas le faire.
_ Vous êtes sa fille, alors que je n’ai absolument aucun lien de parenté avec elle.
_ Apparemment, vous auriez été la seule personne à lui rendre visite régulièrement et à prendre soin d’elle.
_ Tout de même, cent cinquante mille euros !
_ C’est la part que nous avons tous reçus, c’est sa volonté et nous devons la respecter. Toute sa vie, elle a économisé pour nous mettre à l’abri du besoin, et elle a jugé bon de partager cela avec vous.
J’y crois pas, quand je dire ça à Faty.
Depuis la naissance de Chloé, ils avaient dû se serrer la ceinture pour faire face aux nouvelles dépenses qu’un enfant pouvait occasionner, mettant de côté tous leurs projets. Et voilà qu’une somme d’argent inespérée tombait du ciel, c’était le cas de le dire.
Malgré la peine que l’annonce du décès de Gisèle lui causait, son sang bouillonnait. Il redoutait de ne pouvoir contenir plus longtemps l’envie irrépressible de se lever en hurlant sa joie devant la progéniture de sa bienfaitrice. Un court instant, Christophe laissa son esprit vagabonder, imaginant les possibilités que cet argent lui offrait.
Mais bien sûr que je vais l’accepter, je disais ça pour être poli. Je ne sais même pas si tu mérites le tien, la laisser toute seule à des centaines de kilomètres, dans l’oubli.
_ Ecoutez, je suis prêt à accepter cet argh…Ne pas hurler, ne pas sourire, attendre…cet argent, parce qu’il me permettra de nourrir ma famille et dieu sait qu’elle en a besoin. Mais je tiens absolument à participer aux frais des funérailles.
_ Je commence à comprendre pourquoi ma mère vous aimait tant, vous êtes vraiment très généreux.
_ Merci, mais c’est tout à fait normal.
_ Non, vous savez bien que la plupart des gens seraient partis, le chèque dans la poche, sans se retourner.
_ Vous avez peut-être raison. Et croyez bien que je ne serais pas le seul à profiter de cet argent.
_ Je n’en doute pas, et merci pour tout ce que vous avez fait pour elle, tout ce que nous n’avons pas été capable de faire.
_ Ce n’est rien, elle était très fière de votre réussite.
Et elle aurait bien aimé voir ses petits enfants plus souvent.
Christophe se leva, quitta la pièce, le bâtiment et attendit deux pâtés de maisons avant d’exploser. Plusieurs passants se retournèrent sur son passage mais rien, absolument rien, ne put troubler son allégresse.

Acte 5


_Allez chef, pour une fois que tu nous invites à bouffer, tu vas bien nous faire une petit discours.
_ Non, c’est pas mon truc et puis….
_ Un discours ! Un discours !
_ Bon, vous l’aurez voulu. Mais ça risque de pas vous plaire.
René se leva, face à tous ses employés, une tablée de huit personnes en tout. Il savait parfaitement ce qu’il voulait dire, mais tout le problème était dans la formulation.
_ Bon, alors…Je voudrais déjà vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour cette entreprise, on a passé beaucoup d’années ensemble sur les chantiers, des bonnes comme des mauvaises. Je n’ai pas été toujours très facile à vivre…
_ Et c’est rien de le dire !
_ Merci Gérard, t’es pas forcément une crème non plus !
Il attendit que les rires se dissipent avant de poursuivre.
_ J’ai une grosse nouvelle à vous annoncer et c’est pour ça qu’on est tous ici aujourd’hui. Je suppose que vous êtes au courant de l’accident du centre commercial.
Quelques murmures d’assentiment parcoururent la table.
_ Hé bien, il semblerait que certaines personnes pensent que c’est arrivé par ma faute. Ils ont donc décidé de rejeter la responsabilité sur l’entreprise et de m’accuser d’homicide par négligence.
_ C’est pas possible !
_ Les salauds, ils ont pas le droit !
_ Oh que si, ils ont le droit. D’ailleurs, moi-même je pense que si j’avais traité un peu mieux cet intérimaire, ca serait pas arrivé.
_ Tu pouvais pas prévoir ! Comment savoir qu’un boulon …
_ Hé oui, ça fait partie de mes responsabilités de livrer un chantier propre. On a des normes à respecter, des règles de sécurité et ce boulon n’aurait jamais dû se trouver là.
_ Mais comment tu vas faire ?
_ Justement, vous savez bien que pour faire tourner une boîte en France, il faut être bien accroché et ne pas avoir peur du boulot. Bon an, mal an, on a toujours réussi à joindre les deux bouts, vous avez toujours été payés quoiqu’il arrive. Mais avec cette histoire de procès, je vais devoir embaucher un avocat, et si je suis condamné, j’ai bien peur de ne pas pouvoir continuer à m’occuper de cette entreprise.
_ Tu veux fermer ?
_ Et nous, qu’est-ce qu’on va faire ?
_ Je sais que ça va pas être facile, mais on peut dire ce qu’on voudra, y a quand même du boulot dans la région, et j’ai décidé d’utiliser le fonds d’investissement et d’entretien des machines pour vous verser à tous trois mois de salaire, ça devrait vous permettre de tenir le coup en attendant que vous trouviez autre chose ou que vous touchiez le chômage.
La salle était maintenant silencieuse, même les clients du restaurant le fixaient. Il se força à regarder ses employés dans les yeux, un par un, ne sachant quoi dire d’autre. Un énorme bouffée d’émotion lui serra la gorge, René attrapa son verre, le leva et le vida d’un trait. Puis il sortit, les larmes aux yeux, ne pouvant soutenir leur regard plus longtemps.
Chacun d’entre eux, malgré quelques engueulades, bien normales sur un chantier, était devenu son ami. Et il venait juste d’annoncer à ses amis que, par sa faute, ils se retrouvaient sans emploi. La prison, à côté, ne serait que de la rigolade.

Acte 6

Nono ouvrit l’enveloppe, curieux de découvrir ce qui se trouvait à l’intérieur. « Bonne conscience » la lui avait remise après un court sermon sur la deuxième chance et le fait que l’on ne devait jamais perdre espoir. Nono lui avait donné ce surnom car le jeune homme lui rendait visite de temps à autre pour discuter ou lui payer à manger. Sa conversation n’était particulièrement intéressante mais Nono se forçait à l’écouter avec attention, après tout on ne crache pas sur un bon repas chaud quand on vit dans la rue.
Depuis dix ans, il avait développé une routine, qui, malgré quelques périodes difficiles lui permettait de survivre sans trop s’en faire. De temps à autre, une personne comme « bonne conscience » tentait de racheter sa place au paradis en lui offrant des couvertures ou un sandwich. Cette générosité ne pouvait pas être désintéressée, la plupart des gens ne le voyait même pas, pourquoi se donner la peine de lui adresser la parole ?
Si les sans-abris possédaient la clé du succès, ça se saurait.
Il écarta les deux lèvres de l’enveloppe et oublia de respirer. Elle était pleine de billets de 500 euros. Il n’en avait jamais vu, ça allait de soit, alors autant d’un coup !
Nono sortit de sa transe lorsque ses poumons l’appelèrent à l’aide. Il referma l’enveloppe, jeta un rapide coup d’œil alentours et la fourra dans son vieux sac Eastpak récupéré chez Emmaüs.
Etant invisible depuis tant d’années, le fait d’essayer de ne pas attirer l’attention le fit sourire intérieurement.
« bonne conscience », je t’accordes ta place au paradis, section VIP
Il se leva et remercia en souriant un passant qui lui donnait un euro.
Désolé les gars, je démissionne, va falloir trouver quelqu’un d’autre pour votre BA
Nono se réfugia dans une ruelle déserte, derrière une benne de chantier. La rénovation durait depuis maintenant deux mois et, tant qu’il laissait l’endroit propre et qu’il surveillait les outils, les ouvriers le laissait dormir à l’intérieur du bâtiment.
Il sortit l’enveloppe et compta les billets, il y en avait dix.
Cinq mille euros !
Son rêve allait enfin pouvoir se réaliser, un plan machiavélique pour se débarrasser de ses ennemis jurés : les caniches. Dix ans qu’il supportait ces sales petites bestioles, accrochés au bout de leur laisse comme des saucissons dans une vitrine. Dix ans qu’ils lui massacraient les tympans de leurs aboiements hauts perchés. Mais tout cela était fini maintenant.
Son projet était simple mais efficace, il avait eu le temps d’y réfléchir. D’abord louer un garage puis acheter sept ou huit chiots de caniches (des bâtards de taille réduite devraient suffire, du moment qu’ils soient blancs et frisés) et les enfermer dedans. Il avait lu que c’est de cette manière que les jeunes rendaient leurs Pit Bulls agressifs.
Il les nourrirait peu et leur rendrait visite de temps à autre pour les frapper avec un bâton. Une fois adultes, il les lâcherait en ville, en plusieurs endroits afin de ne pas éveiller les soupçons.
Et, c’est là que ça devenait intéressant, ces sales petits chiens belliqueux ne manqueraient pas de s’en prendre aux passants, pour les mordre ou agresser les enfants. Et là, hop, phase finale, levée de boucliers, pétitions et tout le tralala pour voter une loi qui oblige les gens à castrer leurs caniches et à leur faire porter des muselières. Du coup, dans une petite quinzaine d’années, plus une seule de ces saloperies dans les rues de sa ville, et Nono pourrait enfin mendier tranquillement, sans se faire emmerder.
Un plan sans faille.


Acte 7


L’ANPE n’était qu’à quelques centaines de mètres de l’arrêt de bus. En quinze ans de vie professionnelle, c’était la première fois que Gilles s’inscrivait au chômage. Un record, de nos jours. Les indemnités que René lui avait versé ne lui permettraient pas de tenir encore un mois, il avait donc dû se résoudre à faire appel à l’état.
Après tout, y a aussi mon argent là-bas.
Le plus important restait de ne pas se laisser entraîner vers le fond. Gilles caressait l’idée de monter sa propre entreprise, en plus modeste bien sûr, juste deux ou employés afin de combler le vide que René avait laissé dans le milieu de la structure métallique. Malheureusement, il lui fallait tout de même un peu d’argent pour débuter, acheter du matériel et de l’outillage. Sans ce fond de départ, il n’arriverait à rien. Les conseillers de l’ANPE pourraient probablement le renseigner, lui indiquer comment obtenir un prêt ou une aide quelconque. On avait beau se plaindre, le système français offrait toute une palette de subventions , pour peu que vous aimiez la paperasse.
Au carrefour, devant lui, un SDF gesticulait, faisant les cent pas, lancé dans un monologue qu’il était le seul à pouvoir comprendre.
Au moins, j’en suis pas encore là. Plutôt me tirer une balle.
Lorsque Gilles arriva à sa hauteur, le sans-abri poussa un cri de frustration.
_ Bon allez, c’est décidé je reste sur la première idée, on verra bien ce que ça donne.
Et, d’un pas qui se voulait confiant, il entreprit de traverser la rue alors qu’un tramway s’approchait à vive allure.
Gilles, sans réfléchir, l’attrapa par le col de son manteau et le tira en arrière. L’inactivité n’ayant pas encore fait fondre tous ses muscles, la force qu’il mit dans son geste propulsa le pauvre bougre sur le trottoir. Ahuri, allongé sur le dos, le SDF le fixa une bonne dizaine de secondes, la bouche ouverte, comme s’il s’attendait à être passé à tabac.
_ Excuse-moi, mon gars, je voulais pas te faire de mal, mais le tramway ne t’aurait pas raté.
_ Tu m’as sauvé la vie ? Non seulement tu m’as vu mais en plus tu m’as sauvé la vie ?
_ T’avouera que c’était difficile de pas te voir, à parler tout seul et à gesticuler comme un fou.
_ Ouais, je réfléchissais.
_ Et ben ! bon, je te laisse, j’ai rendez-vous.
_ Attends !
_ Non, c’est bon, pas le temps et puis j’ai pas de monnaie.
_ Je veux pas mendier, je veux te remercier. Attends moi ici ! Je reviens dans deux secondes !
Gilles le regarda partir en courant, prêt à le rattraper à nouveau s’il essayait de retraverser la route, mais il disparut dans une ruelle perpendiculaire, pour réapparaître quelques secondes plus tard en brandissant une enveloppe.
_ Tiens, prends ça 
_ Qu’est-ce que c’est ?
_ 4500 euros.
_ Tu te fous de ma gueule ? T’as vu comment t’es fringué ? Et tu te promènes avec 4500 euros en liquide dans une enveloppe ?
_ Si, c’est vrai, y en avait cinq mille, mais je me suis acheté deux, trois trucs.
Gilles prit l’enveloppe, jeta un œil à l’intérieur, puis le deuxième pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.
_ C’est quoi, la caméra cachée ? Ou tu vas me sortir que t’es un génie et que tu me donnes trois vœux ?
_ Nan, chuis juste un clodo.
_ Alors qu’est-ce que tu fous avec ça ?
_ Un type me les a donnés, en me disant que c’était ma seconde chance, que ça pouvait résoudre mes problèmes etc… Mais ça me bouffe la vie, je sais pas quoi en faire, ça fait une semaine que je dors plus, je sais plus où j’en suis. Je préfère être dans la rue et pas me prendre la tête plutôt que de me demander sans arrêt si je suis pas encore en train de tout foutre en l’air. Alors voilà, tu m’as sauvé la vie, c’est à toi.
_ J’hallucines, t’es sûr qu’y a pas d’embrouilles ? Tu l’as pas volé , ni rien ?
_ Non, tu me saoules à la fin, prends je te dis.
_ Putain… Si tu savais comme ça va me rendre service. Bon, bah viens avec moi, que je te paies au moins une bière pour fêter ça.
_ Ils me laisseront pas rentrer, on doit sentir mes pieds à cinquante mètres.
_ Pas grave, on trouvera une terrasse.
_ Ok. Dis-moi, tu veux pas acheter un caniche de combat avec l’argent ?
_ Quoi ?
_ Nan, laisse tomber, paies ta bière.

FIN

Voilà, je sais que la fin est pas top, mais je voulais juste partir d’un truc insignifiant et suivre toutes les conséquences que cela pouvait avoir, style effet papillon et tout ça. Désolé que ça s’arrête comme ça, mais je voulais passer à autre chose. Ca aurait pu continuer des années jusqu’à ce qu’à la conséquence ultime, comme une guerre nucléaire ou quelque chose comme ça. Je voulais aussi montrer qu’on a tous un pouvoir sur les choses et que chaque décision qu’on prend peut entraîner toute une chaîne d’événements, choisis ou non. Alors la prochaine fois que vous vous dites que votre vie est insignifiante, il vous suffit d’aller discuter avec quelqu’un dans un centre commercial pour changer la face du monde. C’est pas cool, ça ? Vous le retardez de deux minutes sur son emploi du temps et sa vie ne sera plus jamais la même. Comme de lancer un caillou dans une mare. Les conséquences de nos actes sont infinies.
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Pas d'R

Il me manque quelque chose. Plus qu’un mot, plus qu’un concept. Il me manque le gaz essentiel à la vie. Je ne tiens plus, coincé depuis une semaine dans cette pièce étanche. Je suffoque. Mes poumons s’emplissent de vide et se vident de néant. Je ne vois aucun chemin, aucun. Mes yeux, en quête d’une issue, deviennent fous. J’abandonne ce combat, m’abandonne au destin funeste qui m’attend. Mes muscles se détendent, épuisés de cette lutte incessante. Mon choix est fait, chaque mouvement est difficile. J’abandonne. Je manque de quelque chose. Je n’ai plus de souffle. Je manque d’air.
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Paranoïa


Paul sauta dans la rame de métro et s’assit côté fenêtre, non pas pour contempler le paysage mais parce que cela lui permettait de ne pas avoir à poser son regard sur quelqu’un. En ces temps où la violence devenait une valeur, le moindre croisement de regards pouvait être suivi d’une agression. Mieux valait regarder ses pieds ou les murs noirs du tunnel défilant derrière la vitre, c’était plus sain.
Il détestait prendre le métro, cela le rendait nerveux. Il avait l’impression que tout le monde le jaugeait, certains se demandant quelle somme d’argent il pouvait bien avoir dans les poches, d’autres s’il était fou et s’il allait se mettre à parler tout seul. La plupart du temps, les conversations cessaient après la porte automatique, étouffées par la tension dégagée par chacun. Le degré de méfiance était tel que les banquettes à deux places n’étaient occupées que par une seule personne à la fois et ceux qui restaient debout se cachaient dans les coins en priant pour ne pas se faire remarquer. Paul était quasiment sûr que personne ne viendrait s’asseoir à côté de lui sauf peut-être un assassin ou un pickpocket. La plupart étaient faciles à reconnaître, ils se servaient de l’atmosphère oppressante pour nourrir leur propre folie. Ils étaient les seuls à rester calmes.
Le métro quitta la station, pénétrant dans le tunnel obscur, plongeant tous les passagers dans une semi-obscurité.
Paul commença à rêvasser, bercé par les secousses régulières du wagon, vagabondant dans son esprit, le regard perdu dans le vide.
A la station suivante, la place commença à se faire rare et un homme s’assit à côté de lui. Aussitôt, Paul revint à la réalité. Méfiant, il jeta un coup d’œil discret aux pieds de son voisin.
Les chaussures permettaient généralement d’en dire long sur une personne. Celui-ci portait des bottes noires cirées à la perfection, à moitié recouvertes par un pantalon de smoking fraîchement repassé. Il frappait convulsivement le sol de ses talons, sûrement pour atténuer le stress. Ce genre de personnes ne prenait généralement pas le métro, ils se déplaçaient plutôt en taxi, ne se mêlant à la foule que lorsqu’ils y étaient obligés. Il restait maintenant deux possibilités : soit ce type était un maniaque de la propreté, s’achetant des habits au-dessus de ses moyens pour faire bonne impression, soit il n’avait pas pu prendre un taxi pour une raison ou pour une autre. Dans les deux cas, il ne semblait pas constituer une menace. Paul était même heureux qu’il se soit assis ici car sa tenue vestimentaire attirerait l’attention sur lui au cas où un gang serait en quête d’une victime.
Satisfait, il se remit à examiner son propre reflet dans la vitre. Il avait tout du citadin moyen, un physique normal mais sans plus, des habits propres mais bon marché et pas trop tape-à-l’œil, de quoi passer inaperçu dans la plupart des quartiers de la ville.
Le métro avait repris sa route et se dirigeait maintenant vers l’arrêt de Paul. Il commençait à se dire que ça avait été un trajet plutôt calme lorsque toutes les veilleuses du wagon s’éteignirent, laissant l’obscurité extérieure avaler les passagers. Des cris et des exclamations de surprise fusèrent un peu partout. L’homme d’affaires se tortilla nerveusement sur son siège, heurtant Paul avec ses coudes, mais ce dernier n’y prêta pas attention. Il savait que la gare était proche et il ne tenait vraiment pas à s’attirer des ennuis.
L’autre se calma au bout de quelques secondes, d’un coup, comme s’il s’était endormi brusquement. Apparemment la lumière n’attendait que ça car elle revint un instant plus tard.
Paul lança un coup d’œil à son voisin et vit qu’il ne tambourinait plus des pieds. Il osa alors regarder son visage pour la première fois et découvrit, presque à regret, que ses déductions ne l’avaient pas trompé. Son front était rouge vif, avec au centre un trou plus sombre, probablement fait au couteau. Le sang commençait à couler le long de son nez pour s’écraser à grosses gouttes sur sa cravate.
En essayant au maximum de ne pas céder à l’hystérie, il poussa le cadavre au milieu de l’allée pour dégager le passage et atteindre la porte. Une femme le regardait d’un air épouvanté. Il passa près d’elle et lui glissa à l’oreille.
  • La place est libre, si vous voulez.
Elle continua à le fixer, horrifiée, et le suivit des yeux lorsqu’il sortit, sûrement pour s’assurer qu’il ne reviendrait pas l’agresser.
Paul ne prêta pas attention à elle et s’éloigna, se sentant étrangement bien, content d’avoir su garder la tête froide alors que la plupart des gens autour de lui étaient morts de peur. Il mit les mains dans ses poches et y trouva quelque chose qui n’y était pas auparavant. Il fut envahi par un sentiment mitigé, mélange de peur et de surprise, le sentiment d’avoir mis le doigt sur quelque chose de malsain. Il sortit sa main de sa poche et frotta ses doigts entre eux. Ils étaient mouillés et gluants. En les regardant, il vit avec horreur qu’ils étaient couverts de sang.
Il courut dans des toilettes publiques et les lava longuement, fixant l’eau rosâtre qui s’engouffrait dans le siphon. Quelqu’un entra après lui, et repartit aussitôt, effrayé par cet homme qui ne pouvait être qu’un assassin.
Paul remit la main dans sa poche et trouva un cran d’arrêt. Il l’examina sous toutes ses coutures, n’y comprenant rien. Il montait dans le métro les poches vides, était témoin d’un crime dont il aurait très bien pu être la victime et repartait avec l’arme du crime. Sa surprise était telle qu’il commençait même à se demander si ce n’était pas lui qui avait assassiné son voisin pendant un moment d’égarement, une sorte de transe ou quelque chose comme ça. Etait-il fou ? Peut-être l’avait-il toujours été sans jamais s’en rendre compte. Il lava le couteau, le remit dans sa poche et sortit des toilettes, remettant en question sa santé mentale.
Dans la rue, il avait l’impression que tout le monde le regardait bizarrement, comme s’ils avaient quelque chose à lui reprocher. Peut-être voyaient-ils sur son visage qu’il avait tué un homme.
Il décida de s’arrêter dans un bar pour boire une bière et se calmer un peu. En s’asseyant sur la terrasse, il vit une voiture de police qui se dirigeait vers la bouche de métro. Son cœur fit un bond et il manqua de vomir. Paul ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable alors qu’il était presque sûr de n’avoir rien fait.
Il jeta un regard autour de lui et aperçut un journal sur une table, il alla le chercher et commença à lire pour se détendre.
Au bout de quelques minutes, alors qu’il était plongé dans un article sur la corruption, il entendit une petite fille qui discutait avec sa mère.
  • Dis maman, c’est lui le meurtrier ?
Paul releva la tête, bouche bée et regarda d’où venait la voix.
Elles étaient assises deux tables plus loin. La mère tenait un livre et sa fille lui montrait la couverture du doigt.
  • Mais non, ma chérie. Lui, c’est l’auteur.
Il faillit éclater de rire tellement ses nerfs étaient à vif. Il finit sa bière et s’en alla, bien décidé à rentrer chez lui.
Pendant qu’il tapait le code d’entrée de son immeuble, une voix retentit dans son dos.
  • T’as vu ce que tu as fait ? T’es fier de toi ?
Il ouvrit la porte aussi vite que possible, rentra et la referma derrière lui. Dehors, deux hommes le regardaient comme s’il était fou. A leurs pieds gisait un tas de feuilles éparpillées.
  • Je vais devenir fou si ça continue comme ça.
En arrivant dans son appartement, il verrouilla la porte à double tour et courut vers la fenêtre pour examiner la rue. En bas, une voiture de police stationnait sur le trottoir.
  • C’est pas possible. Ils sont pas venus pour moi, je n’ai rien fait. De toute façon, je connaissais personne dans le métro.
Il ferma les rideaux et, alors que les anneaux glissaient sur la tringle, une petite voix lui répondit en chuchotant : Tu es sûr ?
  • Ca y est, j’entends des voix maintenant. Je deviens fou.
Il marcha en direction de la cuisine pour se préparer à manger, frottant ses pantoufles sur le carrelage. Il entendit soudain les voisins, qui discutaient plus fort qu’à l’habitude :
-  …pas possible…Il l’a tué…avec un couteau.
Paul s’arrêta et tendit l’oreille. Plus rien, pas de voix. Il attendit quelques secondes pour être sûr puis reprit sa marche. Les voix revinrent :
- …dangereux…la police…psychopathe.
Il stoppa encore et écouta, se demandant si sa voisine aurait pu être dans le métro. Toujours rien.
Il fit demi-tour, essayant de faire le moins de bruit possible et alluma la télévision pour créer un bruit de fond.
Ca allait déjà beaucoup mieux. Ils passaient une émission sur les prédateurs de la savane. Paul s’assit dans son fauteuil et commençait à s’assoupir lorsque le téléphone sonna.
- Allô ?
  • Ouais, salut, c’est Fred. Ca va ?
  • Pas mal, pourquoi ?
  • Comme ça. Putain, il est mort. Tu vas crever en enfer.
Paul faillit lâcher le téléphone.
  • Quoi ?
  • J’ai dit : putain je suis mort, j’ai eu une journée d’enfer.
  • Ah !
  • C’est de ta faute, t’aurais pas dû toucher le couteau.
  • Hein ?
  • C’est de ta faute, on aurait dû se coucher plus tôt mais t’es sourd ou quoi ? La prochaine fois que tu veux faire la tournée des bars, tu la feras sans moi.
Paul tentait de remettre de l’ordre dans ses idées, il ne savait pas si Fred se moquait de lui ou si c’était lui qui entendait mal. Etait-il possible qu’il soit au courant ? Y avait-il quelque chose dans sa voix qui l’avait trahi ? Pourquoi lui avait-il demandé si ça allait ?
  • Allô ?
  • Ouais, excuse- moi. Je repensais à la soirée d’hier.
  • Tu m’étonnes, on s’en est mis plein la tête.
  • C’est clair, je me demande ce que c’était le truc vert.
  • De l’absinthe.
  • Quoi ?
  • C’était de l’absinthe, je suppose qu’ils ont pas le droit d’en vendre, c’est pour ça que c’était aussi cher.
  • Mais ça peut te rendre fou, ça.
  • Arrête tes conneries, on a encore tué personne.
  • Pourquoi tu dis ça ?
Il devait savoir quelque chose, il n’arrêtait pas de faire des allusions à ça.
  • Pour rien . C’était juste un exemple pour montrer qu’on est pas fous.
Paul commençait à le haïr pour ce qu’il lui faisait subir. Il ne pouvait pas demander à Fred s’il savait qu’il avait peut-être tué un homme. Ca n’avait pas de sens. Il ne pouvait que se fier à son propre jugement tout en sachant qu’il était peut-être victime d’hallucinations. Il tournait en rond.
  • Bon, je vais te laisser, j’ai un truc sur le feu.
  • O.K. A la prochaine.
  • Salut !
Il alla se préparer un sandwich dans la cuisine sans cesser de penser à toute cette histoire. Il ne voyait qu’une solution : en parler. Mais s’il en parlait, d’une part il ne trouverait pas les mots pour s’expliquer et d’autre part, on le prendrait pour un fou. Peut-être même que la police était déjà sur ses traces.
Soudain, il entendit du bruit derrière la porte d’entrée. Comme des chuchotements et des frottements. Il s’en approcha sur la pointe des pieds et y colla son oreille. Plus rien. Paul ouvrit la porte d’un coup sec et se sentit stupide en voyant qu’il n’y avait personne. C’était bien des hallucinations.
Pendant le reste de la soirée, il sursauta au moindre bruit, s’imaginant des gens cachés dans les ténèbres, l’espionnant à travers la vitre.
A la fin, il décida d’aller dormir. Il ferait peut-être des cauchemars mais au moins ceux là n’étaient que le pur fruit de son imagination.
Se calant confortablement dans son lit, il attrapa son livre de chevet et commença à lire.
Après quelques pages, il crut entendre la poignée de la porte tourner. Ce n’est que mon esprit, du calme. De toute façon, c’est fermé à clef.
Son assurance commença à faiblir lorsque la porte grinça sur ses gonds. Puis vinrent les voix, il lui semblait que des gens parlaient à voix basse. Paul mit sa tête dans son oreiller mais il les entendait toujours.
  • Ne fais pas trop de bruit, il va nous entendre.
  • Et alors, s’il arrive, on le descend.
  • Mais on n’a pas de preuves. Il nous faut l’arme du crime.
Paul n’en pouvait plus, il demanda tout haut :
- Y a quelqu’un ?
Sans réponse. Les voix s’étaient tues. Le silence demeura pendant quelques instants puis ses voisins se mirent à parler.
  • Tu sais, on devrait prévenir la police.
  • Mais tu te trompes, il n’a rien fait.
Mon imagination, c’est juste mon imagination.
  • Mais je l’ai vu, quand la lumière est revenue, le type était mort.
  • Il n’était peut-être pas vraiment mort.
  • Il y avait du sang partout. Je vais appeler la police.
  • NON ! Attendez, je n’ai rien fait !
Le son de sa voix résonnant dans la chambre lui fit encore plus peur. Il se retourna dans son lit et quelque chose tapa au carreau. Il tendit l’oreille. Rien. Paul reposa la tête sur l’oreiller et on tapa encore.
  • Cette fois, il y en a marre.
Il se leva d’un bond et ouvrit la fenêtre en grand, tout en sachant qu’il habitait au 9ème étage. Il ne savait pas à quoi il s’attendait mais il ne le vit pas. Il prit le couteau dans la poche de son pantalon et monta sur le rebord de sa fenêtre.
Paul regarda les phares de voitures qui défilaient, en bas dans la rue. Puis il vit quelqu’un qui s’approchait de la porte d’entrée de son immeuble. Quelques secondes plus tard, son Interphone sonna.
  • C’en est trop, je suis fou.
Et il sauta.
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