dimanche 25 décembre 2011

Les animaux du cirque (Thème proposé par Veronique ) 1ère partie.


ALBERT
Albert l’éléphant venait de naître. Il se leva péniblement puis retomba contre l’énorme patte de sa mère. Il allait devoir prendre des forces avant de pouvoir explorer le monde.
Peu à peu, il parvint à se mettre debout et à marcher. Il parcourut quelques mètres sans toutefois trop s’éloigner de sa mère.
Après quelques jours, gagnant en confiance, il se dirigea vers la porte du chapiteau pour voir d’où provenait toute cette lumière. Il s’approcha de l’ouverture, frémissant d’excitation et fut stoppé net. Une de ses pattes arrières refusait d’aller plus loin.
Une longue corde accrochée à un piquet l’empêchait d’avancer. Albert tira de toutes ses forces, se démena, poussant de longs barrissements désespérés. Si près du but…Pourquoi…
Il se rapprocha du pieu planté dans le sol et tenta de l’arracher avec sa trompe. Il prit de l’élan et tenta de rompre la corde en courant le plus vite possible dans la direction opposée.
Il passa des jours entiers, des semaines à tenter de se débarrasser de cette corde.
Sans succès.
Puis il se rendit compte que sa mère, elle aussi, avait une corde attachée à sa patte.

ALEXIS
Alexis commençait tout juste à se promener à quatres pattes, galopant de pièce en pièce, faisant courir ses parents.
« Ne vas pas par là ! »
« Reste ici ! »
Puis il apprit à marcher, et commença à explorer la maison. Ouvrir des portes. Découvrir des pièces inconnues.
Un jour, au cours de l’une de ses explorations, il s’accrocha à un fil qui pendait et un bloc de métal brûlant lui tomba sur l’épaule, lui marquant la joue au passage.
Il hurla, sa mère hurla. Lui de douleur, elle de peur.
« Arrête de toucher à tout ! Mais c’est pas possible ! C’est dangereux ! Quand je te dis de rester vers moi, tu restes vers moi ! »
Après cela, il resta trois semaines auprès de sa mère sans oser explorer à nouveau. Mais sa curiosité fut la plus forte, et un jour, il ouvrit la porte d’entrée et se retrouva dans le jardin.
Presqu’aussitôt, sa mère accourut pour l’attraper et lui flanquer une fessée, tout en criant : « Ca va pas non ? C’est dangereux dehors. Dangereux. Tu te souviens pas du fer à repasser ? Tu veux encore te faire du mal, c’est ça ? Une cicatrice sur la joue, ça te suffit pas ? »
C’est dangereux dehors… Dangereux…
Il tenta encore une ou deux fois de satisfaire sa curiosité, mais à chaque fois, sa mère le rattrapait et lui rappelait tous les malheurs qui l’attendaient s’il s’aventurait seul dans le monde.

ALBERT
20 ans avaient passé. Albert regardait passer les badauds en balançant la tête, attrapant de la trompe les cacahuètes qu’ils voulaient bien lui offrir. Il mesurait maintenant 3 mètres au garrot et dépassait presque la hauteur de sa mère.
Lorsqu’il n’y avait aucun visiteur, il se contentait de fixer la porte, se demandant ce qu’il pourrait faire à l’extérieur si cette stupide corde ne l’empêchait pas de sortir.
Toujours la même corde, attachée au même pieu. Depuis vingt ans. Voilà de quoi dépendait sa liberté…

ALEXIS
Alexis verrouilla la porte de son bureau et prit l’ascenseur pour rejoindre sa voiture au 2ème sous-sol du parking souterrain. Il avait hâte. Dans sa voiture l’attendait son album de  Bach, concerto pour deux violons en D mineur. Le seul CD qu’il possédait. Mais il n’avait besoin que de ça pour se détendre.
Il entrerait dans sa voiture, enclencherait le contact, laissant le doux son des violons emplir l’habitacle et n’en sortirait qu’une fois dans son propre garage.
Voilà à quoi se résumait sa vie : travail, maison, travail, maison. Il faisait même ses courses sur internet.
Il n’aimait pas sortir, dès qu’il mettait un pied dehors, une impression de danger imminent lui étreignait le cœur. Rien ne valait la sécurité de son foyer, son salon, son lit.
Dehors, il n’y avait que des maladies, des crimes, de la souffrance et de la misère.

ALBERT
La nuit venait de tomber. Une pluie violente battait sur la toile du chapiteau, poussée par de puissantes bourrasques. Les éléphants étaient nerveux, ils détestaient les tempêtes, qui rendaient si bruyant leur environnement d’habitude si tranquille.
Albert trépignait, se demandant quels horribles monstres pouvaient bien rôder à l’extérieur, se jetant sur la toile…
Soudain un éclair s’abattit sur le pilier principal du chapiteau dans un fracas assourdissant.
Albert sursauta et se rua vers la porte du chapiteau.  Les monstres étaient à l’intérieur. Plus rien ne pouvait les protéger désormais. Il sentit à peine la tension de la corde sur sa patte lorsqu’elle tenta de le retenir puis céda dans un claquement sec.
Pris de panique, il courut plusieurs centaines de mètres, manquant écraser le personnel du cirque qui se trouvait sur son passage.
Après quelques minutes de course, il se calma enfin, abasourdi d’être enfin seul, à l’extérieur, libre. Et il comprit. Il comprit que la corde qui le retenait était restée la même, alors que lui avait grandi. Et il comprit où avait été son erreur. Il avait arrêté d’essayer.

ALEXIS
« Tôt ce matin, dans un quartier résidentiel de Flupertu-les-Pomplenec, un homme a été retrouvé mort dans sa maison. Alexis Bouernier était un homme plutôt casanier, d’après ses voisins. Ils le disaient étrange, il ne sortait jamais de chez lui .
Le facteur a été alerté par l’odeur lors de sa tournée quotidienne, et ne recevant aucun réponse après avoir frappé à plusieurs reprises, il a décidé de prévenir les secours.
Son patron ne l’avait plus vu depuis 2 semaines, sans que cela ne l’inquiète véritablement. Il travaillait aux archives, dit-il, Alexis arrivait tôt le matin, repartait tard le soir, une fois je ne l’ai pas vu pendant un mois entier.
D’après les secours envoyés sur place, Alexis se serait électrocuté avec un fer à repasser défectueux… »
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