dimanche 9 janvier 2011

Le jour où le soleil ne s'est pas levé

Quand mon réveil a sonné ce matin, ma première réaction en ouvrant les yeux, a été de le retarder d’une heure. Pas question que je me lève alors que la nuit est encore là.
Quand il a sonné pour la seconde fois, je suis tout de même allé vérifier l’horloge de la cuisine, pour apprendre que j’étais en retard au boulot. Bon, pas la première fois, probablement pas la dernière. Après m’être acquitté de mes ablutions quotidiennes, je vous passe les détails, je me suis mis en route.
Et là, j’ai trouvé Dédé, mon voisin, le nez en l’air, absorbé dans la contemplation du ciel. Dédé est agriculteur, maître en sagesse rurale et un véritable dictionnaire de jurons à rallonges (mes préférés). Il n’est pas rare, lorsqu’il rentre ses vaches pour la traite, d’entendre son chant mélodieux et coloré s’élever au fond des prés. J’aime boire ma bière d’après le boulot au doux son des "nomdedieudeputaindebordelàculdepompeàmerde".
Toujours est-il qu’il était là ce matin.
_ Bonjour Dédé, ça va ?
_ Ben non, vous voyez pas ? Le soleil s’est pas levé !
_ Ah, c’est pour ça qu’il fait encore nuit ?
_ Ben oui, ça doit être encore une de leurs éclipses, ou alors le réchauffement climatique, fallait bien que ça finisse par arriver.
_ M’en parlez pas, je suis en retard au boulot à cause de ça. Me suis levé une heure trop tard.
_ Ah moi, ça risque pas, je me lève au chant du coq.
_ Justement ! Le coq est censé commencer à chanter au lever du soleil, non ?
_ Non, c’est une légende, ça, il chante quand il a envie de se taper une poule. Et croyez-moi, ça, ça vaut tous les réveils du monde.
_ Ah ? Bon. Et ben bonne journée. Vous allez rester là à attendre le soleil ?
_ J’ai du boulot, qu’est-ce que croyez ? Les vaches m’attendent.

Après un court trajet en voiture, je suis arrivé en ville. Apparemment tout semblait normal, à part pour le ciel désespérément noir et l’éclairage public tournant à plein régime.
A un carrefour, un illuminé se promenait en toge en scandant des slogans de fin du monde et de jugement dernier.
_ Repentez-vous, car le jour du Jugement est arrivé, les ténèbres tombent sur notre monde !
Profitant du feu rouge, j’ai baissé ma vitre et lui ai fait signe de s’approcher. Heureux de voir que l’on s’intéressait à lui, il m’a rejoint en trottinant.
_ Le seigneur va bientôt nous rappeler à lui pour nous juger.
_ Oui, bonjour, d’après vous, c’est dû au Jugement Dernier tout ça ? Dieu qui fait des siennes.
_ Tout à fait, le moment est venu de répondre de nos actes et de confronter nos erreurs.
_ Et ça dure longtemps ?
_ Pardon ?
_ Ben, juger tous ces gens. Parce qu’on est quand même un paquet, mine de rien.
_ Je sais pas.
_ Allez, quoi, vous avez bien une petite idée. Il doit être un minimum organisé, dieu là, ça fait longtemps qu’il prépare son coup, y en a pour quoi ? Une semaine ?
_ Je sais pas, oui peut-être ?
_ Bon on va dire une semaine alors, merci, le feu est vert, je dois y aller.
J’ai redémarré et le gars est resté là à me regarder partir. Même les experts ne savent pas combien de temps ça va durer, ça va être un beau bordel.
Je suis donc arrivé au boulot avec une heure et demie de retard. A peine le temps de poser ma veste et le patron m’avait déjà appelé dans son bureau.
_ Vous vouliez me voir ?
_ Oui, je voulais savoir si vous comptiez arriver à l’heure un de ces jours ?
_ Bien, justement, ça me fait plaisir que vous abordiez le sujet, parce c’est un peu particulier aujourd’hui non ?
_ Vous parlez du soleil ? Vous avez peur du noir ?
_ Non, mais maintenant que vous le dites, y en a qui doivent être bien emmerdés. Juste que les experts pensent que le Jugement Dernier a commencé, ça pourrait durer au moins une semaine. Je me posais donc la question : Est-ce que le Jugement Dernier est compté en jour férié ? Parce que ça va être mon tour à un moment ou à un autre, il faut bien que je me prépare un peu, on n’a pas des RTT spéciaux pour ça ?
_ Vous vous foutez de moi ? C’est un jour comme les autres.
_ Sauf qu’il fait nuit.
_ Et alors ? Ca vous empêche de bosser, votre bureau est éclairé à ce que je sache.
_ Oui, mais du coup, ça doit être payé à 150 %.
_ En quel honneur ?
_ Ben, tarif de nuit.
_ Mais on est en plein jour !
_ Mais il fait nuit.
_ Bon, écoutez, vous m’énervez, prenez un jour de congé, je vais me renseigner à propos de tout ça, je vous appelle ce soir pour vous dire où ça en est. Mais si vous arrivez encore en retard, je vous vire.

Et voilà, le temps de rentrer chez moi, d’écrire ça et je vais aller me recoucher. J’espère que le soleil sera là demain parce ce que je pense pas que je puisse dormir une semaine d’affilée. Si ça continue, je vais devoir m’acheter un coq.
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