dimanche 9 janvier 2011

Tas d'hommes CLUB

Samedi soir,00h30, Le Cab, Crozet.

La musique battait son plein dans le petit bar, bourré de clients ( bourrés eux aussi ). Les Chupitos coulaient à flots, chaque shaker vide aussitôt remplacé par un autre prêt à servir.
Pourtant, parmi les habitués, beaucoup attendaient la fermeture avec impatience, pour une raison que les autres étaient loin de soupçonner.
Peu à peu, l’heure fatidique approchant, la salle enfumée se vida, déversant une marée titubante de jeunes fêtards dans le parking du télécabine.
Dom, le patron, ferma les rideaux un à un, empêchant les éventuels curieux de regarder à l’intérieur.
Puis le groupe restant s’affaira, poussant les tables, empilant les chaises pour dégager une surface acceptable afin d’accomplir leurs sombres desseins.
Aurel, restait debout près de la porte principale, le nez collé à la vitre, guettant les dernières voitures qui partaient.
Lorsqu’elles eurent toutes disparues, il se retourna en levant son pouce :
_ C’est bon !
Flo posa le dernier tabouret sur le bar et acquiesça :
_ C’est bon pour nous aussi !
Tous se plaçèrent alors en cercle, laissant un espace suffisant au milieu pour permettre à un homme de bonne taille de s’allonger.
C’est alors que Laurent s’avança et prit la parole :
_ Nous savons tous pourquoi nous sommes ici, alors commençons : Premièrement Vous ne devez pas parler du Tas d’hommes club
Deuxièmement Vous ne devez jamais parler du Tas d’hommes club
Troisièmement Toujours un seul tas d’hommes à la fois.
Quatrièmement Si quiconque veut mettre fin au tas d’hommes, il doit taper le sol du plat de la main.
Cinquièmement tout le monde doit participer au tas d’hommes.

A peine eut-il terminé sa phrase qu’il se jeta au sol en hurlant : « TAS D’HOMMES !! »
Aussitôt tous se ruèrent sur lui, s’empilant les uns sur les autres en poussant des cris de joie et quelques uns de douleur.

Ce n’était pas la première soirée du tas d’hommes club. Au début, Laurent était tout seul à se jeter par terre en hurlant alors que les autres regardaient sans comprendre. Mais au fur et à mesure, de plus en plus de gens se joignaient à lui, désireux de faire partie de cette mystérieuse société secrète, de connaître les sensations incomparables provoquées par une poignée de corps se jetant sur le vôtre, vous aplatissant comme une crêpe.

Je suis le trousseau de clés de Jack, qui lui éclate les testicules, comprimé par les corps en mouvement.

Le Tas d’hommes club se répandit à vitesse grand V, chaque pièce dans chaque ville, chaque terrain vague se transformait en tas d’hommes. Certains commencèrent même à lancer des tas d’hommes sauvages, se jetant par terre en hurlant au milieu d’une place publique, aussitôt rejoints par des jeunes cadres dynamiques, des mères de famille, des grands-pères et même parfois des gardiens de la paix. Tout le monde devenait égal dans le tas d’hommes.

Aux alentours, les passants n’y comprenaient rien lorsque tous se relevaient, frottant leurs vêtements du plat de la main, et reprenaient leur route comme si de rien n’était.
Je suis la côte de Jack qui perfore le poumon lorsque Maitë et Carlos se joignent au tas d’hommes


Mais la situation commença bien vite à déborder lorsque les médias s’emparèrent du sujet :

JT, France 2, 20h00 :

_ Il semblerait qu’un suicide collectif ait eu lieu dans une station de métro lyonnaise, une dizaine de morts seraient à déplorer.
( changement de plan, interview d’un témoin, jeune homme en pleurs, blanc comme un linge )
_ Je ne sais pas ce qui s’est passé, un type est arrivé en courant et s’est lancé à plat ventre sur la voie en hurlant « TAS D’HOMMES », et d’un seul coup, ils ont tous sauté sur lui en gueulant et c’est là que la rame est arrivée…C’était horrible…Ca a giclé…
( Retour au présentateur )
_ Pour tenter de comprendre ce phénomène, nous vous proposons d’interroger un spécialiste, Mr TREREFRENET, sociologue et spécialiste des phénomènes de foules.
( Caméra pivote sur un gars à lunettes aux cheveux grisonnants )
_ Pensez-vous que nous ayons affaire à une forme d’hystérie collective, Mr TREREFRENET ?
_Euh mon nom est TEREFERENET et non, je ne pense pas que l’on puisse appeler cela de l’hystérie mais plutôt une forme de conditionnement. Le tas d’hommes est en fait au départ un jeu totalement innocent qui consiste à se jeter les uns sur les autres pour, comme son nom l’indique, former un tas. Il a même été prouvé que ces pratiques possédaient des vertus thérapeutiques, permettant d’évacuer les frustrations et d’annihiler certains blocages.
_ Mais comment expliquez-vous ce qui vient de se passer ?
_ Eh bien, il est possible qu’à force de s’adonner à ce genre de chose, les victimes n’aient pu résister à l’appel du tas d’homme.

Je suis l’espadrille de Jack qui chatouille le nez de l’initiateur du tas d’hommes



Mais les choses allèrent trop loin lorsque, lors d’un meeting au Texas, le Président américain, effrayé par un claquement de pot d’échappement, se jeta au milieu de la foule, immédiatement suivi par son garde du corps. Quelqu’un eut alors le malheur de hurler « MANPILE !!! » (tas d’hommes en anglais ) et le président et son protecteur se retrouvèrent subitement submergés par des centaines de personnes. Ce fut le tas d’hommes le plus haut de tous les temps ( 10 mètres ) et le plus meurtrier ( 30 morts par asphyxie dont le président américain ).
Une fois remis de leurs émotions, les américains élirent un nouveau président, qui déclara que les tas d’hommes seraient considérés comme des actes terroristes et que leurs auteurs seraient executés.

Voilà donc comment se termina le tas d’hommes club, une société secrète dont beaucoup ont oublié l’existence


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